ALEXANDRE BUSTILLO & JULIEN MAURY
interview

RevueSorti le 7 Décembre, Livide (de Alexandre Bustillo et Julien Maury) a connu un sort ingrat en salles. En attendant la sortie DVD qui lui réservera (on l’espère) un meilleur sort, Alexandre Bustillo nous parle des projets du duo, passés et futurs. Il y est question de tempête de neige, de Fabrice Du Welz, de zombies et autres cénobites. Même George Romero est de la partie !

1. Cela fait quatre ans qu’est sorti À l’Intérieur. Qu’avez-vous fait entretemps ? Avez-vous travaillé sur plusieurs projets de films en parallèle, ou seulement sur Livide ?

Nous écrivons tous les jours, car nous tenons au maximum à donner une chance à nos idées. De ce fait, durant la post-production d’À l’Intérieur, nous avons écrit un scénario intitulé Neiges, un survival sur une autoroute pendant une tempête de neige. Nous avons alors travaillé avec Thomas Langmann, dans l’espoir de faire de Neiges notre deuxième film. Ce qui ne nous a pas empêché d’accepter de travailler également sur le remake d’Hellraiser (1988), car nous savions que Neiges était un projet difficile à monter.

Notre vision d’Hellraiser était vraiment très différente de celle de Clive Barker, qui avait adoubé notre histoire en son temps : elle débutait pendant la seconde guerre mondiale avec la découverte de la boîte par les nazis, avant de se poursuivre à notre époque, partie de l’histoire qui reprenait la storyline du film d’origine (à l’exception que les personnages de Franck et de Pinhead ne faisaient plus qu’un), pour se conclure dans un délire action/satanisme à la Hellboy (notre volonté était de traiter les Cénobites comme des super-héros du mal absolu) qui trouvait son point d’apogée avec le couronnement de Pinhead en « pape des enfers ».

Les producteurs ne voulaient faire qu’un simple ersatz de Saw couplé à l’univers de Scream, donc nous ne sommes pas allés plus loin hélas sur ce projet. Malgré cette expérience amère, nous avons dis immédiatement « oui » à Halloween 2, car nous sommes fans absolus de Michael Myers, et Neiges en plus commençait à prendre du retard dans son financement. Nous nous sommes rapidement entendus sur le scénario avec les Weinstein*. En gros, notre idée était de reprendre le schéma narratif du film de Rob Zombie en montrant dans un premier temps les 15 années d’internement à l’asile de Myers, avant d’embrayer directement sur la suite de l’histoire de Rob Zombie, avec une Laurie poursuivie par Myers bien vivant, dans l’hôpital puis dans Haddonfield.

Lié par contrat aux Weinstein, Zombie a décidé subitement de faire lui-même le film. Commercialement parlant, on ne faisait plus le poids. Artistiquement également. Rob et les Weinstein ont été très gentlemen avec nous, et on adore Halloween 2 à l’arrivée, donc tout baigne.

A peu près au même moment, nous apprenons que Neiges ne se fera pas (pour l’instant), le projet s’avérant un poil trop cher et trop risqué. Nous avons donc rebondi sur Livide, un synopsis que nous avions fait lire aux producteurs d’À l’Intérieur, un pitch qu’ils aimaient bien.  Et là, ce fut la bonne !

 2. Après l’extrémisme gore de votre premier film, on pouvait s’attendre à ce que vous enfonciez le clou. Or vous êtes partis dans une direction différente, plus de peur, moins d’horreur. Qu’est ce qui a motivé ce choix ?

Honnêtement, on en avait un peu marre de tous ces films français horrifiques très ancrés dans la réalité. Calvaire, Martyrs, Ils, Frontière(s), Captifs, Vertige… on adore tous ces films mais ils pourraient être tous tirés des pages faits-divers du Nouveau Détective. C’est le cas également d’À l’intérieur. Nous on aime le cinéma de genre dans tout son ensemble. On adore le fantastique pur et dur, totalement assumé. Avec Livide, nous ne voulions absolument pas refaire À l’Intérieur, mais bien embrasser à bras ouverts tout ce pan de cette sous-culture qui nous fascine tant depuis qu’on est enfants. Perso, tu me dis qu’un film français mixe gore, vampires, maison hantée et sorcellerie, putain je veux le voir direct !

3. La maison que vous avez choisie est tout à fait terrifiante. Comment l’avez-vous trouvée ? Le mobilier etc., tout cela y était ?

Nous l’avons trouvée très rapidement, par le biais d’une agence spécialisée. Elle se trouve à quinze minutes de Paris, dans le Val-D’oise (les extérieurs ont été tournés en Bretagne). Elle était à l’abandon, totalement vide. Tout, absolument tout, a été reconstruit par notre chef-déco Marc Thiebault et ses équipes. Ils ont fait un boulot incroyable, boulot récompensé par un prix au dernier festival de Sitges.

4. Marie-Claude Pietragalla et Catherine Jacob tiennent toutes deux un rôle important dans le film. Je les imaginais assez loin de l’univers du film d’épouvante… Comment se sont déroulées ces rencontres ?

Catherine était une idée de la prod. Une très bonne idée puisque nous cherchions quelqu’un d’attrayant et débonnaire mais pouvant également être très menaçant. Catherine est comme ça. Elle se trimballe cette image de joyeuse comédienne un peu fofolle de films très populaires, image contrebalancée par une stature impressionnante (elle mesure plus d’1m80) et un ton parfois très cassant pouvant s’avérer très déstabilisant. Pietra fut un choix coup de cœur. On se promenait dans les rues de Paris, on a vu l’affiche de son dernier spectacle avant de se dire « On la veut ! ». Et on l’a eue car ça l’amusait beaucoup de jouer une prof vacharde (elle qui a si mauvaise réputation) amatrice de sang frais. Ce fut une rencontre étonnante avec une femme très pro, très attentive, très gentille. Encore une victime de sa légende. Comme Béatrice Dalle en son temps.

5. Vous travaillez à deux. Comment vous répartissez-vous les tâches avant et après la réalisation du film ?

Aucune répartition particulière, nous faisons tout tous les deux.

6. La musique est un élément très important de votre cinéma, et comme dans À l’Intérieur, je trouve qu’elle s’intègre superbement au film. Avec qui travaillez-vous et comment se passe votre collaboration ? Avez-vous des exigences particulières, ou laissez-vous carte blanche au compositeur (ou à la compositrice) ?

Notre compositeur, Raphael Gesqua, vient de l’univers du jeu-vidéo. C’est un tueur lorsqu’il s’agit de vous trouver un thème qui va vous squatter la tête pendant des heures et des heures. Julien le connaît très bien depuis des années, a bossé avec lui sur ses courts. Nous essayons de l’impliquer le plus en amont possible, en gros dès que le scénario nous semble convenable. Il peut commencer alors à cogiter seul, avant de nous soumettre des choses qu’on recadrera ou pas selon nos envies. Livide est son premier score de long-métrage. On espère vraiment que cette première expérience va lui permettre d’enchainer sur d’autres films, il le mérite grave.

7.  Livide est timidement reçu par la critique, comme À l’Intérieur en son temps et la plupart des films de genre français sortis ces dernières années. Dans votre cas je le déplore et le comprends d’autant plus mal qu’à mon sens vous tenez clairement le haut du pavé en France, avec Alexandre Aja. Comment vivez-vous cette réception frileuse de la part des médias ? En êtes-vous étonnés ?

Nous lisons toutes les critiques évidemment. Et comme tout le monde, on est content lorsqu’on en lit des bonnes et un peu tristes quand on en lit des mauvaises. Mais l’euphorie ou la tristesse ne dure pas longtemps, car les bonnes comme les mauvaises, nous les oublions vite afin de ne pas disperser notre énergie dans ce genre de futilités. Plutôt que de prendre des pseudos pour défendre notre film sur les forums comme le font beaucoup de gens, on préfère continuer d’écrire les idées qui nous trottent dans la tête…

8. Pour revenir à Alexandre Aja, que pensez-vous de son parcours et de son exil aux Etats-Unis ?

Haute-Tension est définitivement un chef-d’œuvre trônant aux côtés de Martyrs et des films de Du Welz. Ce dernier est pour nous vraiment l’exemple à suivre. Contre vents et marées, il se forge une filmographie unique et personnelle, audacieuse comme jamais. Vinyan est un chef-d’œuvre absolu passé complètement sous silence. L’Histoire jugera. Et Du Welz est assurément à l’aube d’une carrière incroyable. Pour Aja, c’est différent. On adore le mec, ses idées, sa façon de filmer (son remake de La Colline a des Yeux est absolument génial) mais on pense sincèrement qu’il mérite mieux que des films comme Mirrors et Piranha. Horns pourrait bien être le film qui le replacerait au-dessus du lot.

9. Les zombies ont la côte en ce moment. Rec, Walking Dead, Diary of the Dead, The Crazies et chez nous en France, La Horde, La Meute, Mutants… Vous résistez à cette tendance. Pour quelle raison ?

Pour nous, cette mode n’existe pas vraiment, des zombies, des golems, des infectés…tous ces films sont quand même bien différents. Et nous adorons les morts-vivants. Nous avons d’ailleurs un projet en développement autour de ce thème. Un truc ultra-gore.

10.  Êtes-vous plus Dario Argento ou George Romero ?

Dario for ever, même si ses derniers films sont bien plus mauvais que ceux de Romero.

11. Vous remerciez Romero dans votre générique, or il se trouve que BUB tire son nom de l’un de ses personnages clefs. Savez-vous de quel film il est issu ? Et en l’occurrence, quel est votre film préféré de ce réalisateur ?

Day of the Dead. Plutôt facile hein.

Perso, j’adore Incident de Parcours, un petit chef-d’œuvre sous-estimé. Tout comme Land of the Dead. On a eu la chance de dîner avec Romero à Toronto, juste avant qu’il ne commence le tournage de Survival of the Dead. Il nous avait alors conseillé de ne jamais signer avec les Weinstein ! Ce dîner reste, avec notre rencontre avec Clive Barker, sûrement comme l’un de nos plus beaux souvenirs.

12. Vous avez vu son dernier Survival of the Dead ? Il est sorti directement en DVD en France et a été très mal reçu aux Etats-Unis je crois…

Oui, j’aime beaucoup ce film. Il y a une vraie mélancolie qui s’en dégage, ainsi que ne nombreuses scènes fortes, à l’image de cette morte-vivante parcourant l’ile à cheval, ou du massacre des enfants zombies. Malgré son âge, ce mec déborde d’idées et n’a pas fini de nous surprendre.

François Corda

*producteurs des remakes d’Halloween par Rob Zombie.

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