A DANGEROUS METHOD
David Cronenberg

EnterreA l’instar de Contagion, il y a dans A Dangerous Method matière à produire une excellente série. Mais alors que le film de Soderbergh donnait l’impression qu’en s’étirant sur une vingtaine d’heures son sujet n’y aurait pas gagné, il en va tout à l’inverse pour celui de Cronenberg. A Dangerous Method est une œuvre frustrante dans sa brièveté tant elle se nourrit d’un vertige que sa forme ne parvient à transmettre qu’en de trop rares occasions.

La matière à faire une série ne provient pas ici de la multiplication de personnages indépendants distribués dans un espace mondialisé. Elle réside au contraire dans l’importance historique du drame personnel qui se joue entre les trois personnages principaux qui ne se déplacent qu’entre Vienne et Zurich. Les états psychologiques de Carl Jung, Sabrina Spielrein et Sigmund Freud, ainsi que leurs relations triangulaires, déterminent le développement des toutes jeunes disciplines scientifiques et médicales que sont la psychologie et la psychanalyse dans les années 1905. Il y a là une tentative d’articulation entre une micro-histoire des individus et la macro-histoire des cultures que Léon Tolstoï n’aurait pas désapprouvée.

La richesse du sujet de Cronenberg provoque le vertige tant les enjeux personnels et historiques se croisent au détour de chaque discussion. Comme cet échange symptomatique entre Jung et Freud sur la part d’ésotérisme à étudier dans les processus psychologiques : la rivalité maître / disciple double la question théorique de la stratégie à suivre pour donner une légitimité et une reconnaissance scientifique à la psychanalyse. Les exemples de ce genre sont nombreux et se compliquent encore quand Sabrina Spielrein entre dans la danse. Par elle, le désir et la pulsion prennent corps, prennent le corps et le tourmente tout comme il tourmente l’esprit. La théorie en fera sa source et prendra la forme d’une thèse universitaire qui en retour servira à Spielrein de cure, comme sa relation amoureuse avec Carl Jung l’avait déjà été durant plusieurs années.

Ce vertige est d’une puissance certaine. Mais rarement la mise en scène de Cronenberg parvient à en donner plus qu’une idée fugace. Seuls les passages d’échanges épistolaires, que les voix off feuillettent à la volée suivant des fondus enchaînés, donnent de ce vertige une sensation directe. Tout le reste est d’un classicisme formel qui surprend dans ce film d’1h39 tant il aurait été justifié dans la forme étirée que la série propose. Le vertige aurait pu opérer alors dans la dissection détail par détail du drame. Las ! Le spectateur n’a le droit ici qu’à quelques jalons d’une histoire passionnante et importante et sort frustré sans avoir pu en goûter tout le sel tolstoïen.gg

Jacques Danvin

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A Dangerous Method de David Cronenberg (Royaume-Uni, Allemagne, Canada, Suisse ; 1h39)

Date de sortie : 21 décembre 2011

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