PIKNIC ELECTRONIQUE
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RevueLe week-end a été compliqué ? Les nuits sont courtes en été ? Rien de tel qu’une après-midi suivie d’une soirée électro pour rester dans le rythme et contrecarrer efficacement le spectre du lundi matin, qui en ce dimanche de début août point déjà à l’horizon. Tous les dimanches de l’été, le Piknic électronique ouvre ses portes à deux pas de la porte d’Auteuil à Paris. Fort du succès de sa formule à Montréal, voici que ce festival atypique se décline dans de nombreuses villes (Melbourne, Austin…). A Paris, il prend possession du Jokey Disque, espace dédié aux DJ sets niché au pied des tribunes de l’hippodrome d’Auteuil.

Au programme : chaises longues, cocktails et surtout un sérieux programme techno/house. Divisé sur deux espaces, sous les arbres pour la Garden stage d’un côté et sur une esplanade pour la scène un peu plus grande du Fer à cheval de l’autre, le festival fait la part belle aux DJ locaux pour ouvrir la journée. A deux pas du périphérique, celui-ci est oublié sitôt les portes de l’hippodrome passées et ce sont mine de rien le calme et la détente qui règnent en ce début d’après-midi, agrémenté du son électro du duo B2B français Escko & Blanco. Ceux-ci font tranquillement remuer quelques gambettes, tandis que de nombreux festivaliers battent la mesure paresseusement en sirotant quelque breuvage, la tour Eiffel en ligne de mire.

En milieu d’après-midi ouvre le Fer à cheval, la scène principale du festival. Sous une chaleur brumeuse, le DJ parisien Muelsa fait vibrer un air pourtant épais au rythme d’une sélection – toujours très pointue – de vinyles. L’artiste originaire du Tadjikistan s’est fait une belle réputation dans sa capacité à mettre en lumière pépites introuvables. L’esprit de la rave est bien là quand il parvient peu à peu à faire se trémousser des fêtards invétérés sur une esplanade encore clairsemée (ce qui du reste n’est pas évident compte-tenu des choix faits au niveau du système son, qui reste léger en basses et en décibels).

Le public, plutôt trentenaire et joyeusement international, commence à arriver en nombre pour le set de Taïeb Chekir, membre du collectif Distrikt Paris (au même titre qu’Eckso & Blanco par ailleurs). Le franco-tunisien se lance dans un set à la fois éclectique, comme le veut son goût pour l’underground, et très enlevé, ce qui finit par avoir raison de la torpeur ambiante : rien de tel qu’une exhumation de références à tout un pan de la culture électro d’Europe du Nord (on n’est jamais loin de ce qui faisait la réputation des immenses boites Belges des années 90) pour y parvenir. C’est donc dans une belle ambiance que l’artiste proposera ses trouvailles toujours plus frénétiques aux danseurs à présent massés devant la scène.

Les fêtards sont à point lorsqu’apparait derrière les platines Anna, fameuse DJ brésilienne dont les prestations filmées collectionnent les millions de vues sur Youtube. Multipliant les breaks, son set a pour effet de vider chaises longues et bars : tout le monde en piste ! Maîtrisant comme personne les montagnes russes sonores, en particulier les derniers instants suspendus au-dessus du vide, juste avant le relâchement total dans une chute vertigineuse. La Paulistaine s’y entend comme personne pour mettre tout le monde d’accord et justifie totalement sa réputation. La voilà, toujours attentive aux réactions de la foule face à elle, observant avec malice les effets des tracks qu’elle envoie et interagissant sans cesse avec le public.

La nuit tombe lorsque Tiga prend possession de la scène, reflétant un basculement sur un pan peut-être plus sombre. Le Montréalais aux manettes plonge en piqué vers des contrées étranges aux vallées profondes. Comme à son habitude, il conclut cette soirée avec un set acide, entre techno et house, s’enfonçant toujours plus loin dans la nuit. Après deux heures de mix sans concession, l’homme à la casquette laissera des festivaliers repus et chancelants reprendre la route du métro.

Cette soirée résume assez bien les intentions affichées par l’organisation dans la proposition d’une affiche éclectique, à la fois exigeante et accessible. Toutefois, et à l’image du Download pour le metal par exemple, Paris ne se laisse pas prendre si facilement par un concept importé d’ailleurs, qu’il suffirait juste de dupliquer. Si la programmation se révèle à la hauteur, à la fois ouverte aux DJ locaux et aux têtes d’affiche internationales, il n’est pas évident de s’exprimer pleinement avec un son à la puissance limitée. Ce choix relègue de fait la musique et les artistes qui la diffusent sur un plan moins central, au milieu des discussions entre amis. De fait, l’intensité s’en ressent, s’agit-il d’un festival de musique ou d’une sorte de soirée étudiante ? Nul doute toutefois que l’organisation saura corriger le tir, tant cette offre semble adaptée à un public citadin, heureux de pouvoir mélanger plein air, fête et gros son.

Hippodrome d’Auteuil – 04/08/2019

François Armand

 

 

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