Le cas des Dandy Warhols est sans conteste l’un des plus épineux des vingt cinq dernières années : traditionnellement mal reçu par la critique depuis quinze ans (le petit dernier, Why You So Crazy n’échappe pas à la règle), le quatuor conserve encore aujourd’hui un public très fidèle. A tel point que les Américains ont été récemment reçu à bras ouverts par un Olympia plein comme un œuf pour fêter leur quart de siècle passé dans le business. Tentative d’explication du hiatus.
La bande de Courtney Taylor-Taylor est d’abord passée précipitamment de la transparence – le mal produit et interminable Dandy’s Rule Ok, tentative maladroite de réactualisation du Velvet Underground – au chef d’œuvre : Come Down et sa science du bruit combinée à des mélodies langoureuses semble avoir été écrit lors d’un good trip sous héroïne. Le plus grand malentendu vient sans doute de la suite que le combo a donnée à cette expérience acide et délétère : Thirteen Tales of Urban Bohemia (2000). La cohabitation de trésors pop flower power avec l’inanité de chansons pour le moins poussives laissent encore aujourd’hui un drôle de goût dans la bouche, entre frustration et espoir sans cesse renouvelé (et déçu) d’y reconnaître la perfection que beaucoup ont voulu y voir à l’époque.
Welcome to the Monkey House (2003) voit les Dandy Warhols renforcer leur statut de groupe insaisissable, autant dans leurs intentions commerciales qu’artistiques : Courtney Taylor-Taylor y compose encore de grands hymnes radio friendly, mais en s’acoquinant cette fois avec les années 80 (quand son public se veut a priori plus proche d’un courant sixties/seventies). La polémique qui règne autour de la main mise de Capitol sur la production de l’album tient plus de l’enculage de mouches que de la spoliation : pour ceux qui ont eu l’occasion d’écouter le mix original de Welcome to the Monkey House (The Dandy Warhols are Sound), il semble évident que l’album fonctionne bien mieux dès lors qu’il assume son âme acidulée dopée à la coco, n’en déplaise à la bande de Taylor-Taylor. En tout cas, à ce stade, les Dandy Warhols ne parviennent pas à confirmer le coup de maître de Come Down, sans doute par la faute d’un éparpillement revendiqué : à force de vouloir toucher à tout (le psychédélique, la pop noble ou pupute), et de faire le grand écart entre les époques – et donc les états d’esprit -, le quartet perd un peu de sa personnalité.
La soi-disant ingérence de Capitol dans la production de Welcome to the Monkey House ayant visiblement traumatisé le groupe (mais surtout l’ego) de Taylor-Taylor, celui-ci décide alors de se saborder en pondant avec un Odditorium or Warlords of Mars un pur disque inbaisable : officiellement il s’agit d’un retour aux sources psychédéliques, mais Odditorium est avant tout un suicide commercial, véritable bordel contenant son lot de pépites sous champignons et de chansons non écrites, parfois à la limite de l’audible. Cela aurait pu être un chant du cygne ; ce sera surtout la naissance douloureuse d’un projet musical depuis très cohérent, assumant enfin son amour du motif mélodique redondant, de la mélodie qui tue, des riffs post grunge, et d’une certaine forme de turbulence bruitiste.
Curieusement, c’est depuis que les Dandy Warhols font du Dandy Warhols, qu’ils semblent enfin avoir trouvé une voie qui leur est propre, qu’ils suscitent le mépris de critiques qui, après les avoir consacrés comme champions du revival, ont du mal à les voir comme un groupe vivace, finalement très ancré dans son époque après avoir extrait la substantifique moelle des quatre décennies qui les ont précédés.
François Corda
–