Rolo Tomassi
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FocusLe math-rock, une musique de mathématiciens ? Voilà qui a de quoi laisser dubitatif. Car alors quid du soufre, de la spontanéité et de l’intensité, quand ce genre historiquement brut, le rock, devrait se plier à deux règles fondamentales, complexité rythmique et virtuosité ? Rolo Tomassi offre un début de solution, tant leur oeuvre, qui se plaît à décliner les mêmes règles sur chaque album semble être un modèle alternatif idéal.

Technique et réflexion, d’aucuns prétendraient même que ces deux notions sont synonymes de gros mots dès lors qu’elles sont associées au mot « rock ». Le math-rock est-il une aberration ou une évolution logique d’un genre qui s’est depuis soixante ans décliné sous d’incalculables formes ? Rolo Tomassi répond par un mépris évident de la catégorisation. Eva Spence braille comme un monstre en rut, ce qui ne l’empêche pas de dévoiler des trésors de sensualité : sorte de Karen O (Yeah Yeah Yeahs) psychotique, elle est l’un des moteurs, avec les guitares et les claviers, de Rolo Tomassi. De vrais mustangs : il faut un certain temps avant de dompter la(les) bête(s), les albums du groupe démarrant toujours sur les chapeaux de roue (déjantée, la roue). Mais ceux-là prennent progressivement (et en cela, leur math-rock peut donc aussi être considéré comme du rock progressif, un rock aventureux, racontant une histoire) des chemins moins abrupts, voire séduisants, tant via la voix de Spence, soudainement lyrique, que par les guitares, au gré de certains titres moins folles, plus charpentées.

Démence, puissance, transe, Rolo Tomassi ne fait pas les choses à moitié mais ce n’est pas non plus un combo jusqu’au-boutiste. Le math-rock fait mal à la tête quand il fonce tête baissée dans son arithmétique rythmique. L’intelligence de ces anglais frappés, c’est de savoir triturer les neurones de l’auditeur pour ensuite faire exploser une binarité qui délivre comme un orgasme (le dernier morceau de leurs albums tourne en général autour d’une dizaine de minutes aux accents post-rock). Riffs tordus, hachés menus, se font brusquement détrôner par des embardées mélodiques dont le lyrisme martial fait office de remède après des coups de boutoir répétés de six cordes.

La formule de Rolo Tomassi est de celles qui peuvent s’user jusqu’à la corde tant que le combo qui la pratique n’est pas intimement persuadé d’avoir trouvé l’équation parfaite ; ici, entre animalité agressive et complexité émotionnelle. Eva Spence et son frère James peuvent continuer à chercher : leurs quatre premiers disques sont autant de modèles d’apocalypse maîtrisée, qui semblent faire écho à cette épigraphe de José Saramago (L’Autre comme moi) : « Le chaos reste un ordre à déchiffrer ».

François Corda

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