BLACK METAL
sélection hiver 2020

Dans la tiédeur humide d’un hiver maussade, plus que jamais les hurlements hallucinés se font bande-son idéale pour observer à travers nos écrans la banquise s’effondrer et la nature brûler. Un écho étrange se répercute, allant de postures provocatrices, voire nauséabondes, d’une musique diabolique vers des complaintes désabusées, chroniques une autodestruction annoncée. Pour une fois l’égo des humains a raison de se placer au centre de la scène : Satan n’y est pour rien mais il demeure la meilleur allégorie d’une capacité de nuisance inégalée dans l’Univers.

Neige se révèle au mieux de sa forme au sein de son groupe Alcest et renoue avec bonheur avec ce mélange de shoegaze – black metal dont il a contribué à établir la popularité et dans lequel il excelle, aidé par sa voix rêveuse. Si les albums précédents comme Kodama ou Shelter parvenaient à offrir des moments de grâce sublimes dans des compositions post rocks très éthérées, Spiritual instincts fait à nouveau la part belle à une férocité décomplexée faite de riffs rageurs, d’une double-caisse tonitruante et de cris propres à déchirer les cœurs en titane. Si Spiritual Instinct n’est pas aussi émouvant que les Ecailles de Lune par exemple, il n’en demeure pas moins poignant, une véritable lamentation au chevet de légendes surannées.

Portant son nom comme un sacerdoce, End of Mankind annonce le programme avec toute la violence de son black n’roll nerveux, et ça ne s’annonce pas spécialement optimiste. Pas de nostalgie ou de mélancolie dans des titres interminables et forcément tristes, c’est de la pure férocité que le combo Parisien déverse dans un face à face avec le Diable poisseux et malsain. Facem Diaboli démarre par un coup de poing dans les dents, affichant les codes de l’école classique du genre. Passé les premières minutes, le groupe s’en affranchit aussitôt, révélant un véritable dessein, sorte de culte articulé autour deux éléments essentiels : le riff d’abord, bondissant de sa boite à malice à tout instant, et la mise en scène, par le rythme et le ton, de l’attente, celle qui verra arriver le coup suivant, inévitable, imparable.

Gare à la collision contre Mur, barrière de son touffu, à l’image d’une forêt révoltée entremêlant tronc, ronces et racines noueuses, s’accrochant à tout ce qu’elle peut. Ecorchés vifs, les Lyonnais lorgnent bien souvent vers le post hardcore et l’avant-garde pour exprimer leur Brutalism. Evoquant un courant architectural de l’ancien bloc communiste fait d’immenses ensembles bétonnés, c’est une véritable convulsion, un soubresaut froid visant à fendre le ciment. Par sa musique épaisse, parfois acide et biscornue,  jamais véritablement confortable, c’est bien une profonde détresse qui résonne, lézardant les constructions grises et sans âme.

Revenu de ses expérimentations nébuleuses, notamment issues du fleuve Triangle (triple album donc), parfois un brin trop imperméables, Schammasch offre là une œuvre bénéficiant de davantage de concision et peut-être même plus contemplative avec Hearts of no light. La soif d’exploration de ses mystérieux Suisses n’est pas étanchée puisqu’ils naviguent cette fois des eaux calmes de l’ambient aux bruit en passant par les rivages d’un post punk décadent, feu glacé consumant tout sur son passage. Seulement dans ce désespoir sans fin, perdu dans un brouillard formé de couches multiples, les trouées de lumière révèlent enfin quelques mélodies claires à peine murmurées au-dessus du fracas d’un océan de flammes.

Plus concret, plus direct, Svart Crown démontre une réelle ambition, avec un nouvel LP, Wolves among the ashes. Là encore, aux vapeurs méphitiques du metal noir s’incorporent à des éléments de death ou indus, au service d’une production ample, plus lisible, et d’une efficacité mélodique redoutable. Les Niçois se moquent, à raison, des chapelles, et préfèrent l’usage de chaque arme à leur disposition pour assouvir une soif de puissance. Chaque riff est asséné avec sévérité, capable de marquer son empreinte, et illustre donc un propos sur la puissance et la domination. En ouvrant par le discours – authentique – du gourou Jim Jones entrainant ses adeptes dans un suicide de masse, l’idée d’une humanité folle et auto-destructrice annonce le chaos.

François Armand

Alcest / spiritual instinct  (France | 25 octobre 2019)

End of Mankind / facem diaboli  (France | 8 novembre 2019)

 

 

Mur / brutalism   (France | 25 octobre 2019)

Schammasch / heart of no light  (Suisse | 8 novembre 2019)

 

 

Svart Crown / wolves among the ashes   (France | 7 février 2020)

 

 

 

 

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