LE VENT SE lève
Hayao Miyazaki

Enterre« Le vent se lève, il faut tenter de vivre. » C’est sur cette citation de Paul Valéry que Hayao Miyazaki base le propos de son soi-disant dernier long-métrage en forme de biopic. Comment Jiro, jeune ingénieur songeur en aéronautique, va tenter de vivre son rêve d’enfance jusqu’au bout, malgré les distractions de la vie. C’est cependant cette même phrase qui pointe du doigt ce qui fait précisément défaut au film, qui malgré un fond potentiellement intéressant ne semble pas vraiment, formellement parlant, « tenter de vivre » comme il le promet.

S’il y a bien un dénominateur commun aux films de Miyazaki, si l’on fait abstraction de la musique de Joe Hisaishi, c’est la façon dont l’homme donne vie à ses dessins : un savoir-faire qui puise directement ses sources dans la spiritualité traditionnelle japonaise. Celle-ci, profondément animiste, sous-tend une croyance selon laquelle le monde est habité d’une myriade d’esprits de toutes sortes. Et le talent de Miyazaki, c’est justement cette capacité d’animer son monde visuel en l’inondant d’esprits qu’ils soient protecteurs ou vengeurs (respectivement dans Princesse Mononoké : les Oomus, esprits sylvestres, ou Nago, Dieu sanglier devenu fou de douleur et de rage par la technologie humaine), ou qu’ils habitent même les phénomènes naturels. A ce titre la scène du tremblement de terre, un des trop rares moments de grâces du long-métrage, qui met en scène un séisme dont on jurerait qu’il est personnifié par quelque monstrueux serpent souterrain. Cette scène restera cependant sans suite : Le vent se lève ne s’autorisera plus une telle vie graphique, un tel dynamisme organique. Seules les scènes de rêve, notamment celles qui introduisent le film, laissent entrevoir une maigre partie du génie visuel de Miyazaki. De fait, l’intrigue toute tracée (basée sur la vie du personnage) semble freiner la créativité de l’auteur dont on sait qu’il a pour habitude d’improviser à moitié ses histoires, sans baser ses films sur un scénario solide – qui ne fait la plupart du temps que se distordre d’une scène à l’autre (Le Voyage de Chihiro en est le plus brillant exemple). Si historiquement intéressante qu’elle puisse être, la vie de Jiro l’ingénieur ne parvient pas à porter le film, au point de faire oublier son animation trop inerte. Tous ces avions fusant dans le ciel semblent qui-plus-est bien trop tangibles et ternes pour susciter l’émerveillement.

Face à ce triste constat d’un réalisateur ayant perdu ce qui constituait jadis son inimitable patte visuelle, on est en droit de s’interroger sur le succès public et critique dont il est l’objet. Ne serait-ce pas une émotivité mal placée quant au dernier film annoncé du grand monsieur de l’animation ? Une façon de lui dire au revoir avec les honneurs ? Toujours est-il que Le vent se lève ne parvient pas à passionner, à vivre, d’autant plus s’il est comparé à l’aune des précédents travaux de Hayao Miyazaki.bub

Martin Souarn

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Le vent se lève de Hayao Miyazaki (Japon ; 2h06)

Date de sortie : 22 janvier 2014

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