KYSS MIG – UNE HISTOIRE SUÉDOISE
Alexandra-Thérèse Keining

EnterrePar conformisme et par goût du politiquement correct, ces 15 dernières années l’homosexualité féminine a été principalement abordée par les productions cinématographiques sous l’angle d’amours adolescentes comme en témoignent les sublimes Fucking amal (1999), Naissance des pieuvres (2007), Je te mangerais (2007), ou En Secret (2012). Loin d’enrichir le cinéma Lgbt (*) et de signer une œuvre singulière, Alexandra-Thérese Keining affiche avec Kyss Mig – une histoire suédoise les couleurs ternes et délavées d’un drapeau gay en berne. Dans une joyeuse palette de stéréotypes acidulés qui ne parviennent à susciter aucune émotion véritable, le film semble plutôt s’adresser aux jeunes lesbiennes en voie d’acceptation et aux parents d’homo susceptibles d’être rassurés dans leurs postures par un discours policé et hétéro-normé.

Pluie battante et cheveux mouillés cadrant des visages purs et encore juvéniles malgré l’irréversibilité des âges, Mia et Frida se tiennent côte à côte, gauchement enivrées par un halo lénifiant de désir et d’attraction. Dans l’obscurité de la nuit, elles se remémorent les instants fraîchement vécus, à peine consommés, et savent déjà que le temps les transformera en souvenirs de douleur. Ou de joie. Dans un même allant d’un attrait à l’état brut, elles vacillent entre malaise et plaisir, espoir et désespoir. Une rencontre qui a chamboulé le cours de leurs vies. Malgré des relations respectives bien engagées (Mia est sur le point de se marier), les deux femmes décident de changer leur destin tout tracé et de vivre à cœur ouvert. Deux femmes, rebelles et fières qui partagent un courage que peu de personnes ont : le courage d’assumer une sexualité différente, le courage de l’inconnu. Le courage d’avoir peur.

Par une coïncidence, Kyss mig – une histoire suédoise et Keep the Lights on, deux films gays et lesbiens sortis sur grand écran en août, partagent de nombreux points commun : mimétisme dans l’origine du scénario (les deux films sont inspirés d’histoires vraies et évoluent dans une démarche d’exorcisme) et mimétisme dans l’incapacité à transmettre des émotions et donc à toucher le spectateur. Néanmoins, au-delà des apparences, ces films restent toutefois bien différents sur nombre de points. Keep the Lights on souligne une intensité que Kyss Mig – une histoire suédoise échoue à susciter. Et cela principalement en raison d’une utilisation excessive de clichés hollywoodiens (le baiser sous la pluie, le jeu de séduction entre Mia et Frida, la course poursuite dans l’aéroport, les retrouvailles à Barcelone) et d’un scénario mal construit ; un scénario qui ne propose pas et impose tout, tout de suite. Les scènes s’enchaînent et ne laissent pas le temps au spectateur de les anticiper, de les attendre, de les désirer. Tout arrive trop vite, tout se bouscule. A tel point que certaines scènes semblent complètement déconnectées de la réalité. Entre autres : la simplicité avec laquelle Mia met fin à sept années de relation, la facilité avec laquelle elle envisage son homosexualité, la réaction tolérante des parents. Tout est un peu trop facile et peu révélateur d’une réalité, parfois bien plus amère.

Kyss Mig – une histoire suédoise transporte le spectateur dans un monde rose bonbon loin de la cruauté des méchants hétéros et développe une morne politesse qui échoue à donner une réelle consistance au film. En racontant cette belle comptine moderne sur fond de drapeau arc en ciel, Alexandra-Thérese Keining se contentera de servir de la bien-pensance en évitant toutes les difficultés de son sujet ; un sujet fourmillant de subtilités pourtant.

(*) Lgbt : lesbien, gay, bi, trans

Raphaëlle Courcelles

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Kyss Mig – une histoire suédoise d’Alexandra-Thérèse Keining (Suède ; 1h45)

Date de sortie : 29 août 2012

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