JUSQU’À LA GARDE
Xavier Legrand

EnterreEtiquetté « thriller », Jusqu’à la garde de Xavier Legrand porte en fait tous les stigmates d’un genre mort-né en France. A l’exception notable de Diamant Noir d’Arthur Harari (2016), et, l’année dernière, de Dans la forêt de Gilles Marchand, les réalisateurs français semblent, soit porter des vêtements trop larges pour eux (Olivier Marchal, Fred Cavayé, victimes d’un fantasme tout américain, avec ses trognes, ses gunfights, scénarios tordus et autres ralentis de rigueur), soit payer le trop lourd tribut d’une nation d' »auteurs », qui n’osent rentrer dans le cinéma de genre qu’en catimini.

Timoré ou frimeur, il n’y aurait donc pas d’autre issue pour le thriller Français ? Xavier Legrand, s’il joue clairement dans la première catégorie, a le petit mérite, au moins, de ces quelques minutes fulgurantes qui surviennent au bout d’une heure trente de leçon de sociologie pour les Nuls. Le vrai sujet de Legrand n’est en effet (malheureusement) pas la montée inexorable d’une tension psychologique menant à un climax en forme de résolution (thriller oblige), mais plutôt le divorce et ses dommages collatéraux, sujet majeur d’à peu près tous les magasines de société. Chaque situation (réunion familiale, évitement/rapprochement des ex-conjoints, saynètes adolescentes) semble écrite pour injecter sa dose de vérisme au spectateur qui, inoculé, ne peut constater qu’une chose : le divorce, surtout quand on a des enfants, c’est vraiment pas cool (sic).

Jusqu’à la garde n’est à ce titre pas un thriller mais un drame, plus feutré que malsain : on cherche encore dans ce premier long métrage les dérapages et distorsions soudains d’une routine quotidienne, conditions sine qua non du thriller accompli (ingrédients que Dominik Moll avait d’ailleurs sublimés dans Harry, un ami qui vous veut du bien). A force de filmer le réel avec méticulosité, mais sans passion, Xavier Legrand fait de son sujet ordinaire un film ordinaire. Et passe à côté d’à peu près tout, puisque même les déboires de cette famille « ordinaire » laissent ici indifférent tant le réalisateur français s’applique à cocher toutes les cases du drame « ordinaire ».

On sent bien que Legrand cherche ses modèles ailleurs qu’outre-Atlantique (Asghar Farhadi et sa Séparation sont passés par là), et c’est sur le papier plutôt une bonne idée. Mais jamais Xavier Legrand ne parvient à distiller le mystère comme son collègue Iranien, à obtenir le même degré d’intimité avec ses personnages, à impliquer le spectateur dans leurs dilemmes moraux. On le regrette d’autant plus que, encore une fois, la violence inattendue de la scène finale est terrifiante dans sa banalité et en dit plus sur ce père malade et paumé qu’en quatre vingt dix minutes de scènes de famille aussi grises et impersonnelles que la banlieue dans laquelle elles se déroulent.

François Corda

| 7 février 2018 | France

 

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