TOUS AU LARZAC
Christian Rouaud

DeterreMalgré un succès critique mérité, Tous au Larzac semble voué à rester relativement confidentiel auprès du grand public. C’est bien dommage, car ce documentaire de Christian Rouaud est d’une intelligence humaine et politique qui revigore. Mieux : il réussit le tour de force de rendre le spectateur complice de son engagement sans pour autant user de grosses ficelles démagogiques.

La vigueur que le film transmet est d’abord celle de ces paysans du Larzac qui dans les années soixante-dix se sont battus pendant près de dix ans pour ne pas être expulsés de leurs terres. Face à la violence sourde et méprisante d’un pouvoir politique sûr de sa force et qui refuse tout dialogue, des femmes et des hommes vont de leur propre aveu se découvrir une conscience politique qui au final dépassera leurs intérêts personnels. Cent trois familles vont se réunir et s’organiser pour trouver de l’aide et réagir à la violence qui leur est faite. Avec une inventivité qui se renouvelle sans cesse, et une grande intelligence humaine, un corps social vivant va émerger et lutter pour empêcher qu’un camp militaire ne s’agrandisse sur des terres déjà occupées et productives. Marizette et Guy Tarlier. Christiane et Pierre Burguière. Léon Maille, Michel Courtin, Pierre Bonnefous, Christian Roqueirol. José Bové et tous les autres qui se sont engagés dans un combat qui selon eux est à juger à l’aune de la légitimité plutôt qu’à celle de la légalité. Quand les pouvoirs publics « oublient » de leur donner accès à l’eau courante ou au téléphone, il devient légitime qu’ils les installent par eux-mêmes bien qu’il soit illégal de creuser soi-même la chaussée ou de monter des poteaux téléphoniques. En pratiquant la manifestation, le squat, l’encerclement, la construction illégale de bergeries et autres trouvailles, ils vont user de tous les moyens imaginables pour opposer avec constance l’intelligence à ce qu’ils vivent comme une violence sourde.

Si Tous au Larzac parvient à transmettre la vigueur de cette communauté si remarquable d’intelligence humaine, c’est parce que Christian Rouaud lui-même est en intelligence avec ce qu’ils sont et leur combat. Son engagement très clair en leur faveur ne souffre d’aucune contestation. A savoir que ça ne fait aucun doute, mais aussi qu’il n’y a même pas à se demander si on partage son point de vue. Car dans leur économie ses choix de réalisation sont d’une efficacité redoutable, et parviennent à rendre « naturel » au spectateur ce qui ne l’était pas à l’origine pour les protagonistes eux-mêmes de l’Histoire : l’adhésion à une indignation et une révolte. En ouvrant son film avec un plan de prédateur planant dans un ciel bleu, il place d’emblée l’action qu’on va suivre sous le signe de la menace. Et en enchaînant avec une séquence qui ne manque pas de faire penser à Braveheart, où se succèdent des paysages splendides du Larzac traversés par un homme courant sur des chemins de randonnées, le tout rythmé par le bourdon d’une cornemuse, il précise aussi avec une certaine légèreté qu’il sera question dans cette histoire d’une terre à défendre à tout prix.

Certes tout n’est pas rhétoriquement parfait. Christian Rouaud semble vouloir traiter les événements de manière exhaustive, ce qui rend l’ensemble un peu long. Mais la dramaturgie générale, le rythme des séquences et le montage sans maniérisme particulier, combinant images d’archives, voix off, entretiens et paysages magnifiques du Larzac, dénotent de sa part un souci appréciable de rentrer dans le rang pour laisser s’exprimer la force de la lutte collective. Son autre tour de force : plus de trente ans après les faits, réussir à garder cette lutte vivante et humaine.gg

Jacques Danvin

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Tous au Larzac de Christian Rouaud (France ; 1h58)

Date de sortie : 23 novembre 2011

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