LA MULE
Clint Eastwood

On comprend que le personnage d’Earl Stone ait séduit Clint Eatswood au point qu’il soit sorti de sa retraite d’acteur. Ce papi égoïste, obtus, au caractère bien trempé, mais bonne pâte tout de même, ne serait-ce pas son alter ego ? Car si Eastwood, à l’instar de Stone, est toujours aussi vivant aujourd’hui c’est sans doute grâce à ses films (quand Earl Stone, lui, se raccroche à ses fleurs), et au rythme effréné qu’il s’impose. Mais plus le réalisateur américain se rapproche de son dernier souffle, plus ses films respirent une forme de sérénité, même dans l’adversité : qu’on se remémore Sully et le visage éternellement tranquille de ce commandant de bord soumis à une pression énorme. Le dernier baroud d’honneur que constituait Gran Torino semble ici très loin : Earl Stone/Eastwood ne lèvera sans doute plus jamais le petit doigt sur personne, se contentant de profiter au maximum du peu de vie qui lui reste, au détriment de tous ceux qui l’entourent. Si le ton du film peut sembler étonnamment léger étant donné la thématique (un vieillard utilisé par les cartels pour transporter de la drogue d’un point A à un point B), La Mule, souvent drôle, nous submerge d’émotion aux moments où l’on s’y attend le moins (Earl Stone faisant la fiesta avec un parrain, les confessions sur l’oreiller avec son ex-femme), évoquant à l’occasion les fantômes doux amers de Sur la route de Madison ou Les Pleins Pouvoirs. En guise de thriller ou drame crépusculaire façon Mystic River ou L’Échange, La Mule se révèle être d’une tendresse et d’un optimisme tout à fait revigorants, à l’opposée de ce que l’on pourrait attendre d’un homme au crépuscule de sa vie, qui doit inévitablement se pencher sur le bilan de ses réussites et ses échecs.

François Corda

| 23 janvier 2019 | Etats-Unis


 

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