La vie fait parfois preuve d’ironie. L’itinéraire suivi par Sharon Jones en est pour le moins une preuve cruelle. Sa carrière démarre à l’église et dans des formations soul locales, dans lesquelles elle officiera dans les chœurs. Elle devra vivre l’âge d’or de sa musique en retrait et c’est seulement au début des années 2000 qu’elle connaitra le succès en tant que chanteuse solo, après avoir quitté le monde de la musique pour faire convoyeuse de fonds ou encore gardienne de prison durant de longues années.
Avec son groupe, les Dap-kings, elle créera un univers soul suranné et authentique, évoquant cette époque qui l’a vue évoluer dans l’ombre des autres. Le son qu’elle développera sera pur et dénué d’artifices (sans synthétiseurs ni samples). Malheureusement, en 2016 le crabe maudit s’empare de son corps et malgré sa farouche résistance, aura raison d’elle. Sa dernière tournée devra être annulée, mais toutefois elle continuera, aux prises avec son cancer, à venir enregistrer au studio.
Un an plus tard, voici son héritage : A Soul of a Woman. Difficile de juger objectivement cet album sans être ému par cette voix. Elle serait comme un bijou, témoignage intact et pur du passé. Les Dap-Kings, gardiens du temple, livrent donc une superbe production, sans fards et simple, à l’image de la chanteuse, parlant à l’âme au-delà des mots.
François Armand