Le synopsis en dit déjà long sur le contenu du Brio : un enseignant (Daniel Auteuil), vieux prof d’Assas aigri et cynique se voit contraint, après un énième débordement en amphi, de prendre sous son aile une jeune élève banlieusarde (Camelia Jordana) pour redorer son blason. Il va devoir la préparer au concours d’éloquence des universités. Nous voici donc engagés dans une histoire dont on connaît à l’avance tout les tenants et les aboutissants, à savoir une énième histoire de réconciliation des classes.
Les personnages sont caricaturaux, entre le racisme du professeur joué par Auteuil, l’antagonisme radical de Neïla qu’il prendra sous son aile, la maladresse du fils de bonne famille, la pudeur du jeune banlieusard qui s’accomplira forcément en tant que chauffeur de VTC (eh c’est déjà bien, non?), les arcs narratifs sont connus à l’avance (l’histoire est celle racontée 20 ans plus tôt dans À la rencontre de Forrester, mais en réalité il s’agit là d’une nouvelle adaptation de Pygmalion, pièce de théâtre de George Bernard Shaw). On se demande donc quelle est la motivation d’Yvan Attal, à quel public il veut s’adresser. La réponse risque d’être décevante : peut-être ne s’agit-il que de fournir une bonne conscience à un auditoire convaincu d’avance, . Peut-être pourrait-on y lire un plaidoyer pour la discrimination positive… Ainsi, dans le Canard Enchainé, on peut lire : « Intelligente, drôle et grave à la fois, cette comédie est une réponse tonique aux préjugés comme au politiquement correct. Le réalisateur est un môme de Créteil. Il ne se la raconte pas. » Est-ce suffisant pour prétendre traiter d’une réalité, bien entendu beaucoup plus complexe que les clichés véhiculés par le film ?
Le sujet du film aborde le thème de l’éloquence, de l’utilisation de la parole pour convaincre. Un prologue exposant quelques extraits d’entretiens avec d’illustres personnalités (Brel par exemple, digressant de la bêtise ou des esprits emmurés dans leur inertie) place, de manière quasi biblique, le Verbe sur un piédestal. Par le Verbe viendra donc le salut. Le registre dans lequel on s’exprime serait un marqueur social, et ce serait là la grande idée du film ! Quel truisme. Ainsi, sans surprise aucune, Neïla, le personnage joué par Camélia Jordana, réussira son assimilation : la « Super Française » de la cité se muant peu à peu en avocate sûre d’elle, ce qui lui permet de passer d’un monde à l’autre. A vouloir démontrer ce qui semble évident, le réalisateur en oublie son sujet. Alors pour montrer ce parcours initiatique, on nous sert une réalisation somme toute très académique, malgré quelques vains effets de manche, combinant des plans en mouvement pour capter des scènes basées uniquement sur du dialogue.
On comprend bien l’intention de dynamiser des passages de fait très didactiques. Pour autant, il y a soixante ans, Sydney Lumet le faisait en huis-clos avec des plans fixes dans le chef d’œuvre 12 hommes en colère. Le réalisateur ne cherchait alors pas à esquiver la difficulté de faire un film reposant sur des échanges entre les protagonistes. Au contraire, il tenait en haleine les spectateurs en jouant cette carte à fond. En ne semblant pas y toucher, le sujet du film traitait bien de « l’art d’avoir raison », et avait, lui, une réelle portée politique en démontrant que les préjugés des jurés reposaient uniquement sur une construction sociale.
Dans Le Brio on regrettera donc de ne pas avoir véritablement de scènes dans lesquelles on prend le temps de mettre les personnages à l’épreuve, de créer une tension entre eux. Les traits paraissent bien épais et le brio n’est pas ce qui caractérise ce métrage, bourré de bonnes intentions, mais terriblement pataud.
François Armand
bub
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Le Brio de Yvan Attal (France ; 1h35)
Date de sortie : 22 novembre 2017
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