WORLD WAR Z
Marc Forster

Duel 18.10.00La saison des blockbusters est lancée ! Après Superman et Star Trek, sur lesquels se sont entendus Jean-Baptiste et François (cf. la page L’actu), c’est au tour de World War Z d’envahir les écrans français. Et cette fois, les deux rédacteurs sont divisés : honnête divertissement calibré ou grosse berta hollywoodienne débiloïde, ce duel est l’occasion de développer ce qui les sépare dans la lecture du film.

François Corda : Il y a deux écoles de zombies. Ceux de Georges Romero et de la série Walking Dead, lents, sont en général un prétexte à des études sociologiques. Ceux développés par Danny Boyle il y a une dizaine d’années avec 28 Jours Plus Tard, et depuis repris par Je Suis Une Légende et ce World War Z, sont extrêmement rapides, et donc censés être moteurs de peur et d’action. Je te sais plutôt admirateur des films qui exploitent le second modèle. Pourtant ici tu as trouvé que ça ne fonctionnait pas du tout…

Jean-Baptiste Durand : De mon point de vue, le zombie « animal » de la série des 28 ou de Je suis une légende a pour principal intérêt de ré-instaurer une certaine forme de tension, de peur permanente dans le récit. Comme tu le dis, le zombie « mort vivant » de Roméro est d’avantage une métaphore (de la société moderne) ou un prétexte (à l’étude des relations entre survivants) qu’un prédateur. En ce sens son potentiel horrifique est finalement assez faible. Le zombie « animal » de Boyle est lui infiniment plus dangereux, plus rapide, plus brutal : il est véritablement anxiogène. Mais la condition sine qua non de cette angoisse c’est le suspense, l’incertitude. Or World War Z tue tout suspense dans l’œuf du fait de la nature héroïque/iconique du personnage principal : il est tout simplement impossible d’avoir peur pour lui. Dans ces conditions le film devient une sorte de « John Wayne contre les zombies », une série z boostée aux dollars et complètement anodine. Ceci posé, je pourrais te retourner la question : toi qui es plutôt sensible à la filmographie de Romero et hostile à la série des 28, comment peux-tu concrètement trouver quoi que ce soit à sauver dans ce World War Z qui n’en est, finalement, qu’un remake raté et coiffé d’un Stetson ?

FC : Déjà je ne vois absolument pas en quoi World War Z est un remake de la série des 28 ! Leur seul point commun est d’utiliser ce modèle de zombie ultra rapide. Et précisément je trouve qu’ici ça ne fonctionne pas trop mal dans la mesure où Forster n’utilise pas le zombie comme une entité individuelle (ou de groupe réduit) provoquant des scènes d’action ; scènes d’action que je trouvais ratées et illisibles dans la série des 28, et notamment 28 Jours Plus Tard où l’on retrouve l’abominable style clipeux de Boyle. Ici le zombie est très souvent utilisé comme moteur de visions d’ensemble (l’escalade du mur en Israël, les grandes scènes vues d’avion) et aussi comme un accélérateur du récit. Chose indispensable quand on sait la densité du roman de Max Brooks ! De ce point de vue, je sais gré au scénariste d’avoir conservé l’aspect « universaliste » du livre. Gerry Lane (interprété par un Brad Pitt atone, j’en conviens) a la bougeotte, et cela permet d’observer la guerre sous différents aspects : l’émeute en ville, le QG, le camp militaire retranché, la ville isolée du reste du monde, et enfin le centre de recherche… Les changements de décors, façon James Bond, ça ne t’a pas convaincu ?

JBD : Absolument pas, pour la simple et bonne raison que les transitions entre ces scènes sont complètement ratées et artificielles d’un point de vue scénaristique. On est en réalité face à un récit profondément illogique qui n’a pour vocation QUE de permettre de placer des « scènes choc » à intervalles réguliers. De plus la thématique même de l’homme providentiel me semble fondamentalement antithétique du genre à part qu’est le film de zombie : il n’y a par exemple dans World War Z aucune réflexion sur l’humanité et sa barbarie intrinsèque, aucune recherche sur la solitude ; en tout cas rien qui puisse donner une once de densité intellectuelle au film. Tout ce qu’on y voit c’est que l’humanité est, au fond, composée de gens bien (surtout Brad Pitt) et que les « Autorités » trouveront toujours un moyen de sauver le monde en moins de 36 heures (grâce à Brad Pitt). C’est bien simple, le film est tellement outrancier de ce point de vue qu’on pourrait quasiment l’examiner sous l’angle de la parodie.

FC : Justement, je trouve le film assez drôle par moments et pour moi c’est clairement volontaire (les coups de téléphone au mauvais moment, le flic dans le supermarché…). Bon après c’est sûr que World War Z n’a aucune ambition réflexive ! Cela le limite considérablement, mais pour autant j’y trouve une satisfaction purement pop corn, ce qui n’était même pas le cas avec 28 Jours Plus Tard, 28 Semaines Plus Tard ou même Je Suis Une Légende, que j’ai trouvés prétentieux, en termes de mise en scène ou de scénario, et surtout peu efficaces question action. La faute à un manque de lisibilité, un gros problème récurrent dans ce genre de cinéma. Bref, ce n’est pas à la portée de toute le monde de savoir construire des blockbusters intelligents, universels, voire visionnaires façon James Cameron, Ridley Scott ou John McTiernan. Les récents échecs de Star Trek : into darkness ou de The Dark Knight Rises (dans une moindre mesure) le prouvent : parfois il vaut mieux s’en tenir à un bon gros divertissement carré, ce que réussit honnêtement Marc Forster, sans débordements nationalistes ou moralistes. En ce sens, World War Z réussit bien son tour de manège (l’accident d’avion vaut son pesant de cacahuètes en matière de super 8 cinématographique)…

JBD : Je ne peux vraiment pas te suivre là-dessus : si je veux voir de l’action échevelée vaguement légitimée par un scénario improbable, je vais voir un Fast & Furious. Et ce que tu qualifies d’écriture prétentieuse est pour moi de l’écriture tout court : le final Nietzchien de 28 Jours Plus Tard ou la terrible réflexion sur la solitude et la folie du director’s cut de Je Suis Une Légende apportent une vraie densité aux films, là ou World War Z se contente d’accumuler les pires lieux communs du film catastrophe. D’ailleurs, puisque je mentionne la version « officieuse » de Je Suis une Légende, j’irais même jusqu’à dire que ce n’est pas un hasard si World War Z se termine exactement à la façon de la version « officielle » (celle sortie en salle) du film de Francis Lawrence : on sent dans les deux cas la logique purement commerciale dans la proposition d’un happy end bien crétin à la gloire du héros (ce qui, dans la cas de Je Suis une Légende est, de plus, en total contresens par rapport à l’ironie originelle du titre). Même chose pour le style visuel : je trouve la Londres désertée de Danny Boyle beaucoup plus efficace que n’importe quelle horde de zombies de synthèse façon World War Z.

FC : Je dois reconnaître que, même s’ils ne m’ont pas convaincu, 28 Jours Plus Tard et Je Suis Une Légende ont des ambitions que n’effleurent même pas World War Z. Le plaisir que j’ai ressenti en regardant ce dernier est donc clairement coupable… Mais j’y suis allé comme j’irais à la fête foraine et de ce point de vue, je n’ai pas été déçu. Si World War Z s’était encombré de psychologie, à n’en pas douter le résultat aurait été bien pire !bub

François Corda et Jean-Baptiste Durand
gg

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World War Z de Marc Forster (Etats-Unis ; 1h56)

Date de sortie : 3 juillet 2013

 

Showing 2 comments
  • Marchiavel

    Clairement, WWZ est un film de zombie correct (sans plus, en le comparant aux autres films de zombies), et une très mauvaise adaptation du livre.

    C’est un divertissement, rien de plus, et c’est dommage quand on voit la matière qu’il y avait dans l’oeuvre originale.

    Ca m’a donné envie de revoir Walking Dead, d’ailleurs 😉

  • LEcritiquedepub

    Pour lire la critique de l’affiche de World War Z, c’est par ici http://www.lecritiquedepub.com/worldwarz/

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