DAFT PUNK
random access memories

EnterreIl y a plusieurs façons d’aborder Random Access Memories. Par exemple en le considérant comme un disque en particulier pris parmi la multitude de sorties de 2013, ou encore comme un élément de plus de la discographie et de l’histoire de Daft Punk. Mais cet album, en étant référencé de façon aussi ostentatoire (contributions du guitariste de Chic et de Giorgio Moroder notamment), conduit à rapporter Random Access Memories à l’histoire de la musique tout court. Ce qui ne joue clairement pas à l’avantage du duo français, celui-ci se retrouvant de fait engoncé dans un costume inadapté : celui  d’un ténor du genre qui préfère jouer avec ses références plutôt que d’innover. Attention à ne pas perdre toutes ses couleurs !

On lit un peu tout et n’importe quoi dans la presse. En particulier qu’il s’agirait du disque le plus personnel de Daft Punk (*). On voit bien là toute la provocation du propos, puisque précisément le duo laisse beaucoup (trop ?) de place à ses invités. En théorie cela aurait pu aider Daft Punk à créer quelque chose de nouveau, d’hybride. Mais la place occupée par les featurings est ici tellement voyante qu’elle mange tout l’espace privé de Bangalter et de Homem-Christo ; un espace qui reposait sur quelque chose qui, dans Random Access Memories, n’est plus vraiment audible qu’en filigrane : l’électronique.

Adieu donc aux beats de plomb et autres basses agressives, bienvenue au son funk traditionnel, le tout agrémenté de quelques visions progressives (souvent du meilleur effet, d’ailleurs). Il ne s’agit pas ici de se montrer nostalgique du son Daft Punk. Mais plus de se demander de quel bois artistique se chauffe désormais ce duo. Si on laisse de côté le contexte particulier de Random Access Memories (celui de l’histoire du groupe et/ou de ses influences donc), l’album se montre fort convaincant dès qu’il s’éloigne des formats standards de la chanson (« Giorgio By Moroder », « Touch », « Contact ») ou qu’il s’applique à construire finement des mélodies dancefloor (« Give Life Back To Music », « Get Lucky »). Toutefois, même dans cette optique avec œillères, on reste circonspect face à la mollesse de certains titres qui reposent avant tout sur une belle réalisation (bons musiciens, production impeccable) mais souffrent d’un manque cruel de passion. Tout cela ressemble plus à un bœuf entre amis qu’à de nouvelles compositions.

Mais c’est surtout lorsqu’on a l’idée de jeter un œil dans le rétroviseur en matière de funk ou d’électronique qu’il devient impossible de ne pas se montrer un peu plus critique. Car, soyons franc, la première chose à laquelle incite Random access Memories, c’est de réécouter les meilleurs titres de Chic ou de Moroder. Finalement, Daft Punk nous donne le bâton pour se faire battre : les gimmicks de guitare, les arpeggios de Moroder nous projettent directement dans la culture commune, et on repense immédiatement aux disques fondateurs (From Here To Eternity de Giorgio Moroder, C’est Chic de Chic). Cela nous amène à penser, tout d’abord que la personnalité de Daft Punk est devenue quasi transparente, mais surtout ensuite qu’il y a une forme d’abdication de la part du duo face à l’électronique. Comme si Daft Punk avouait avoir déjà tout dit dans ce domaine (ce que pouvait laisser sous-entendre leur long silence), et que, à moins de 40 ans, Bangalter et Homem-Christo souhaitaient simplement s’amuser en invitant leurs idoles et passer un bon moment en leurs compagnies. Le résultat n’a rien de désagréable mais on peine à distinguer ce qui pourrait en faire, comme semble l’entendre la majorité des critiques, un disque essentiel de ces dernières années.bub

François Corda

(*) cf. la critique de Allmusic

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Daft Punk / random access memories

Date de sortie : 21 mai 2013

 

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