TOUTES NOS ENVIES
Philippe Lioret

EnterreIl est peut-être important de revenir sur les raisons qui font du dernier film de Philippe Lioret un film qui ne mérite aucune attention. Paradoxalement. Cela peut permettre d’ajouter au moins une raison à toutes celles qui font que le cinéma « social » de Philippe Lioret soit soumis à des logiques de dédain de la part des rubriques critiques les plus cotées, tout en ayant bonne presse dans les journaux moins spécialisés.

Dans Toutes nos envies, les termes sont clairs : on parle d’engagement. Engagement dans la lutte contre le sort réservé aux particuliers surendettés, engagement via la métaphore lourdement mise en scène du sport. Engagement, parce que Philippe Lioret fait des films engagés (dernier coup d’éclat, le traitement de l’immigration avec Welcome) et qu’il engage Vincent Lindon, un acteur dont les tentatives d’engagement ont été mises à profit dans Pater. Vincent Lindon « est robuste, on l’aimera », comme disait Cavalier ; il a le corps de plus en plus lourd et carré ; ça lui va bien ; comment va-t-il se sortir d’un film où il endosse le rôle d’un juge mi-velléitaire mi-blasé ?

Contrairement à Alain Cavalier, Philippe Lioret n’utilise pas la puissance de feu de l’acteur. Le film commence pourtant bien : l’histoire de deux juges, dont l’une gravement malade (Marie Gillain), qui décident de ne pas la fermer face aux harcèlements des sociétés de crédit. Sur un mode binaire, les surendettés ont des yeux de chats et les avocats des établissements financiers des mines de rats. Mise en faute des banques par Vincent Lindon, mise en doute des paroles des experts médicaux par Marie Gillain, désacralisation du droit, pourquoi pas. Le problème, c’est que le film n’en fait rien. Il suit un programme scénaristique où il s’agit pour Vincent Lindon d’accompagner les péripéties (grand mot) de l’intrigue. Pire, il annule sa force de frappe quand il montre des pauvres se sentant obligés de se justifier quand ils confessent avoir quelque plaisir que ce soit, ou quand il devance la parole de ceux qu’il avait d’abord condamnés (les organismes bancaires) en vantant la réglementation des usages individuels de l’argent.

Une scène est révélatrice de cette douce acceptation qui coule sous des airs d’indignation. Vincent Lindon, revenant d’une journée terrible où il a appris la maladie de sa consœur, arrive en retard à un repas organisé par sa femme (Pascale Arbillot, superbe et énigmatique, qu’on croit sortie du Crash de Cronenberg). A table, trois ou quatre couples. Les hommes font les coqs, parlent affaires avec assurance et prétention. Lindon, pris au piège d’un scénario où il doit avoir l’air plus abattu qu’en colère, ne prend pas la peine de répondre. Alors que toute l’histoire tourne autour d’un combat à mener en dépit de la mort à venir, cette scène cristallise la manière dont le monde, non pas change, mais se perpétue selon des règles honnies. Ce film-là ne rend pas meilleur, il anesthésie.bub

Marc Urumi

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Toutes nos envies de Philippe Lioret (France ; 2h00)

Date de sortie : 9 novembre 2011

 

bub

Comments
  • Clémence

    Pauvre Philippe Lioret c’est une très mauvaise note. Bon en même temps je ne suis pas fan non plus 🙂

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