Charisma, sorti en 1999, est peut-être l’un des films les moins réputés du petit Kurosawa. Pas aussi évidemment angoissant que Cure (1997) et Kaïro (2000), et donc pas autant soumis au label épouvante made in Japan. Un peu trop démonstratif dans sa loufoquerie. Ennuyeux aussi parfois, car à la fois lourd théoriquement et (volontairement) imprécis dans sa démonstration. On peut néanmoins ne pas s’en tenir là.
L’histoire est celle de Yabuike, inspecteur de police déchu à la suite d’une prise d’otages qui tourne mal, exilé dans une forêt où les arbres meurent petit à petit. Elle est d’une naïveté constamment déjouée, digne d’un Herzog grand cru : chaque personnage y agit selon des motivations complètement énigmatiques alors que l’on croyait les avoir saisies au préalable. Pas question de construire une fable écologique. C’est plutôt au système d’interdépendances entre différents groupes d’acteurs (des scientifiques cupides, une botaniste schizo et sa sœur, un groupuscule armé) que Kurosawa s’intéresse. Et au surgissement d’une configuration politique singulière, comme métaphore d’une société malade de ses entêtements.
L’ambition de Kurosawa est revigorante. C’est celle d’une mise en doute d’un régime dialectique selon lequel il faudrait choisir son camp : entre la vie de l’otage et celle du preneur d’otages, entre le bien et le mal supposés par les habitants de la forêt, Yabuike choisit les deux. Choix courageux (il discute l’évidence), et ambitieux donc (parfois ça rate). Choix d’utopie pour contrer les présages d’une fin de film apocalyptique (plans d’assassinats d’une violence silencieuse tétanisante, vision crue de l’enfer, paysage urbain en flammes). Une apocalypse que Yabuike, l’homme à côté de la plaque du manichéisme, l’homme imprévisible à qui l’on demande constamment ce qu’il va faire, tente d’affronter, calmement, fermement.ub
Marc Urumi
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Charisma de Kiyoshi Kurosawa (Japon ; 1h43)
Date de sortie : 8 décembre 1999
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