Habemus Papam
Nanni Moretti

EnterreComme le dit le poète : « Devant l’obstacle / Tu verras / On se révèle ». Dans Habemus Papam, le cardinal Melville réalise qu’il n’est pas à la hauteur des responsabilités et des attentes qui incombent à la tâche pontificale. Et avec Habemus Papam, c’est Nanni Moretti qui ne semble pas en mesure de faire face à un pitch dont l’ambition a paru finalement trop grande. Si l’idée de départ du film est proprement géniale, malheureusement son développement ne peut faire mieux que de la dégonfler tout doucement.

Toute la séquence d’introduction est énorme et parfaite. Elle place la barre très haut. L’humour qui anime les bonnes idées de mise en scène (la couverture médiatique, ou encore l’angoisse de chaque cardinal d’être choisi comme pape), associé au solennel du protocole vaticanais (le secret inconditionnel, la lecture des votes) créent une sorte d’indécision de ton qui laisse présager une suite étonnante. L’émergence progressive de la figure de Melville, à partir du flou et du silence de l’arrière-scène jusqu’à un gros plan où la parole hésitante monte enfin sur les lèvres, ajoute à l’impression que le ressort de l’étonnement va s’imposer au-delà de la mise en place du drame. Pour le spectateur, c’est l’équivalent d’une fumée blanche et d’une volée de cloches, le surgissement soudain d’un espoir explosif.

C’est alors que Moretti semble pris à son propre piège. Ce n’est pas qu’il démissionne comme le fait son héros. Mais il n’a pas l’air à sa place – son personnage de psy non plus d’ailleurs. A l’instar de Melville, Moretti a l’air de vouloir s’échapper du traquenard dans lequel il s’est fourré, mais tout en sachant d’avance qu’il lui faudra bon gré mal gré y revenir. Alors il fait le mauvais élève, il caricature pour donner le change. Ainsi du Vatican nous n’avons que les murs, des cardinaux que les petits garçons qui dorment en eux, et de la foi qu’un dogme parmi d’autres. Moretti réduit et vide progressivement ce qui pourtant enrichissait énormément sa magistrale introduction. Et tout ça pour donner mollement la priorité à l’errance d’un Melville qui s’éloigne gentiment, pas trop loin tout de même, fait des rencontres de bon aloi pour se poser quelques questions : bien sûr l’art, l’enfance, bien sûr aussi l’affaire de la vocation, le doute, etc. Errance de prime abord jubilatoire qui s’avère finalement convenue. Les grosses invraisemblances en guise de bouts de ficelle n’étonnent même pas, qu’elles soient assumées avec humour (l’évasion de Melville, le comédien fou qui récite Tchekhov) ou au contraire proposées comme une évidence (la visite surprise à la femme du psy, l’arrivée du collège de cardinaux au théâtre où se cache Melville).

Quelques bonnes trouvailles soulagent toutefois l’ensemble, mais un garde suisse qui agite un rideau ne suffit pas longtemps à masquer l’absence d’un pape. Tout se dégonfle de manière inéluctable jusqu’à son terme. Et ce terme qui résume bien l’ensemble, c’est la déclaration finale de Melville. Quelqu’un ne se sent pas à la hauteur des responsabilités qu’on semble lui avoir données. C’est tout. OK. C’est un sentiment qu’on respecte. Mais bon, il lui a quand même fallu 1h42 pour réussir à nous le dire…

Jacques Danvin

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Habemus Papam de Nanni Moretti (France, Italie ; 1h42)

Date de sortie : 7 septembre 2011

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