—Au milieu des années 90 la power poupe avait le vent en pop. Weezer, Nada Surf, Fountains of Wayne, le genre était plutôt installé aux Etats-Unis ; mais dans les contrées où on se les caille, on savait aussi enrober de lourd son des jolies mélodies ! Exemple : The Wannadies. Leur plus grand succès est une chanson tirée de la bande originale du film Roméo + Juliette : « You & Me Song ». Présenté comme ça ce n’est pas très folichon et pourtant, en une poignée d’albums, ce quintet suédois a su tirer son épingle du jeu de la plus belle manière. Leur chef d’œuvre est incontestablement Bagsy Me (1997), que la diversité et la fraîcheur des claviers de Christina Bergmark élèvent au rang d’étrangeté en regard des monoblocs électriques que sont les premiers disques des ténors commerciaux précités.
The Wannadies ce sont les Bisounours de la pop : c’est gras, poilu et en même temps super mignon. Bref, ils produisent ce genre de chansons qui vous sortent illico de la sinistrose. S’ils n’ont jamais reproduit l’exploit Bagsy Me il faut tout de même rendre à César ce qui lui appartient. Les années qui ont suivi ce mini-buzz planétaire ont été pour eux autant de montagnes russes. D’abord la signature prometteuse sur une major, qui laissait espérer que leur notoriété allait pouvoir s’étendre considérablement (leur potentiel commercial est gigantesque, comme tous les bons groupes bubble-gum). Mal promu, l’album Yeah ! (1999), de haute tenue, a signé la fin des haricots. La recette était pourtant la même : la petite voix nasillarde de Pär Wiksten qui débite avec foi ses paroles positivement débiles, les riffs de guitare au super sans-plomb dégazés par les synthés (ou le mélodica) grâcieux de la non moins grâcieuse Christina. D’ailleurs, le sixième sens féminin est clairement la valeur ajoutée de The Wannadies en regard de ses concurrents directs. Plus sensuelle, moins frontale… Et donc plus séduisante. Bref la power pop avec les femmes c’est bien aussi.
Après les déboires qui ont suivi la sortie de Yeah !, qui n’a clairement pas atteint les objectifs de vente de BMG, les cinq suédois sont gentiment revenus dans leur fief natal la queue entre les jambes. Ils y ont concocté ce qui est à ce jour leur testament : Before and After (2002). Dire que ce dernier album est triste serait mentir mais une pointe de nostalgie emporte l’affaire sur une deuxième partie aux couleurs clairement automnales. La délicatesse entrevue jusque-là prend alors une autre dimension et offre un nouveau statut aux Wannadies, qui, sans abandonner totalement les distorsions, élargissent leur champ de vision jusqu’au dub et au folk. Belle sortie pour un beau groupe méconnu et terriblement attachant, qui a depuis splitté alors qu’ils travaillaient ensemble sur un best-of et quelques nouvelles chansons. Nada Surf, Weezer et Fountains of Wayne, toujours en activité eux, n’ont jamais reproduit depuis les exploits passés.—
François Corda
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