QUEEN ADREENA
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FocusSur scène, la longiligne et frêle chanteuse de Queen Adreena, Katie Jane Garside, malmène son guitariste Crispin Gray : elle le pousse, le houspille, quand bien même Gray est en train de jouer. Il y a bien sûr une forme de complicité derrière cette attitude outrancière, mais cela n’en reste pas moins un jeu assez brutal, dans lequel Garside s’efforce de montrer que, même fluette, elle peut rivaliser avec son guitariste en termes d’énergie et de brutalité. C’est cela Queen Adreena : un terrain de jeu accidenté sur lequel Garside, la reine, et Gray, son fou, alternent les prises de pouvoir, déplaçant leurs intentions artistiques avec subtilité sur un drôle d’échiquier musical où les apparences jouent un rôle fondamental.

Couple sur scène, sur disque, ces deux là sont faits pour se chamailler, confrontant, croisant sans relâche des éléments a priori incompatibles : le feu du blues allié à la glace des distorsions de Gray se marie en effet, et paradoxalement, à la voix tour à tour angélique et possédée de Garside. Associer le chaud et le froid, le lyrisme à l’abrupt, le bruit au silence, ce sont des expériences que synthétise très bien le premier album du combo, Taxidermy (2000). Un disque complexe derrière une apparente simplicité (animalité, pourquoi pas ?). Une fois posées et acceptées les règles du jeu, radicales et austères – rebutantes au départ même, tant la guitare de Crispin Gray fait parfois penser à une perceuse qui aurait eu des idées de mélodie – comme peuvent l’être celles des échecs, la musique de Queen Adreena se révèle stimulante et belle.

Si le meilleur album de Queen Adreena est sans doute Drink Me (2002) parce qu’il affirme un mouvement qui s’élance seulement sur Taxidermy, il n’en reste pas moins que ce premier album reste le modèle idéal pour comprendre à quel point l’image du groupe traduit aussi bien ses intentions que sa musique. Le sleeve de Taxidermy nous donne ainsi à voir une Katie Jane Garside gothique, mi-femme mi-papillon. Bestiale, cette anglaise peut l’être lorsqu’elle hurle comme une damnée. Mais quel autre animal que le papillon pourrait être aussi doux et fragile que la sylphide Garside lorsque son chant se tourne vers la grâce plutôt que la fureur ? Son compagnon Crispin Gray, relégué au second plan visuellement parlant, joue aussi de cette ambivalence. De par son visage aquilin, figé comme un mime, sa gigantesque guitare portée bas, Gray personnifie à merveille, en concert, la puissance de ces riffs taillés à la serpe par un pédalier et un ampli dont les réglages doivent sans doute être protégés par un copyright. La propension de l’homme au maquillage et au port du costume fait cependant de lui une figure plus complexe, dont l’apparente austérité est tempérée par une certaine élégance, que l’on retrouve dans ses compositions.

Si Queen Adreena reste un groupe, dont la formation a été invariablement guitare-basse-batterie-chant, ce sont bel et bien Garside et Gray, seuls membres permanents, à qui l’on doit la réussite de ce combat rock (un combat qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler celui que se menaient la chanteuse et le chanteur de Prolapse). En seulement quatre disques ils ont créé une œuvre intrigante, dérangeante, assez unique dans le domaine, souvent bien plus ouvert qu’il n’y paraît, du métal.

François Corda

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