BLACK METAL
sélection automne 2020

Pour accompagner cet automne tiède et morne, modérément confiné, hésitant toujours entre le soleil d’un été s’étirant démesurément et les premiers frimas de l’hiver, des chants à la radicalité extrême s’avèrent bénéfiques pour leur nature définitivement tranchée. A la frontière du black metal, concentré de rage version pop, Zeal and Ardor a sonorisé fort à propos le match des indécises autant que pathétiques élections Américaines, appuyant le tonfa là où ça fait mal. Avec un EP claquant comme le poing armé d’un Etat en proie au doute, Manuel Gagneux retrouve toute sa verve en convoquant une soul tordue, dévoyée, finalement comme resacralisée (si l’on considère l’importance du genre dans la lutte pour les Droits Civiques) lorsqu’elle illustre les paroles des victimes de violences policières.

Loin des tumultes des manifestations, une île battue par les vents continue de faire trembler la scène. Si le black metal devait être un paysage, plus encore que la désolation d’un désert de feu, ce serait bien une nature gelée, prise dans la morsure du froid, qui évoquerait le mieux cette musique brutale et âpre. La partie peut donc sembler facile pour des Islandais, habitants d’une île préservée et bien souvent glacée, perdue tout au nord de l’Atlantique. Mais encore faudrait-il avoir cette sensibilité, ce cœur transi, recouvert de neige comme l’allégorie d’une mélancolie insondable. Sans doute, le groupe Auðn exprime-t-il parfaitement cet état d’esprit en offrant de longues escapades rythmées par un blast aussi étiré qu’une lande désolée, lequel aboutit immanquablement à un fugace instant, quand point à l’horizon un timide rayon de soleil, sur une mélodie discrète porteuse de salut.

Dans l’actualité automnale, il était difficile d’échapper à la déferlante de Déluge, inévitable par sa nature singulière. Les Français font suite à un premier album dur, impénétrable, dense, noyant l’auditeur impudent sous des trombes constituées de riffs drus. Mais après la pluie arrive le beau temps et ce nouvel Ægo Templo évoquerait davantage cet instant, lorsque l’orage a cessé et que la tempête s’éloigne à l’horizon. Le genre black metal proprement dit s’avère dépassé, comme épuisé, et fait place à la langueur d’un post black. Logiquement, la lumière perce au travers les nuages, délivrant des mélodies chaudes, entre deux accès de violence à la brutalité crasse, réminiscence du précédent effort. Le symbolisme accompagnant des paroles en français pleines de mystère ajoutent encore au charme énigmatique de cet opus, comme une quête de paix et d’équilibre au milieu du chaos.

C’est attendu, une fois de plus des hurlements terrifiants s’élèvent au milieu du silence. S’agit-il encore d’hommes peinturlurés proclamant une adoration malsaine au démon ? Et si le démon en question s’avérait être des représentations féminines, terribles, vengeresses et surtout incontrôlables ? Pour interpréter ce culte, d’horrifiantes créatures tout droits sorties du pire cauchemar masculiniste accourent au milieu des bois : ce sont les Feminazgûls. « Sexe faible » serait la locution évoquer le féminin ? La réponse contenue dans ce No Dawn for Men ressemble à un grand ricanement, tant ce black très rugueux, caverneux, guttural, tout droit sorti d’entrailles encore fumantes, broie ce cliché éculé avec entrain. C’est à peine tempéré par un folk profond, vecteur d’une poésie, que se déchaînent quelques forces naturelles tapies et soumises à des maîtresses puissantes.

Toujours dans le Nouveau Monde, Akhlys s’impose une nouvel fois avec ses visions perturbatrices, tout droit sorties d’une science des rêves complètement corrompue. Riffs contrefaits contre dissonance malaisante, ce black là a tout pour marquer durablement, tant il a pour but de s’attaquer au royaume de l’inconscient. Après avoir révélé les pires monstres, à peine cachés dans les plis de nos songes, il ne reste plus qu’à céder à n’importe quelle pulsion avec joie. Telle est la célébration proposée par Melinoë, cette divinité Grecque qui donne son nom à l’album, marquée dans son corps par la dualité, engendrée par un grand tabou : celui de l’inceste. Tout un programme à l’approche des libations de fin d’année.

François Armand

Zeal and Ardor / wake of a nation  (Etats-Unis | 23 octobre 2020)

Auðn / vökudraumsins fangi (Islande | 30 octobre 2020)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Déluge / Ægo templo   (France | 6 novembre 2020)

Feminazgûls / no dawn for men  (Etats-Unis | 17 mars 2020)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Akhlys / melinoë  (Etats-Unis | 18 décembre 2020)

 

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