EXCEPT ONE
interview

RevueAuteur de Fallen sorti fin 2018, album brutal à la croisée des genres, Except One fait figure d’exception dans le paysage metal. Au cœur du festival de l’Enfer, dans le vrombissement des guitares hurlantes sur les scènes toutes proches, Junior, Estelle et Naty reçoivent le Bub pour une discussion à bâtons rompus sur ce qu’ils ont à défendre et leur manière de concevoir la musique.

François Armand : votre album Fallen, de quoi parle-t-il ?

Naty : Alors je vais laisser la chanteuse répondre.

Estelle : J’écris des paroles sur des sujets qui me touchent, donc majoritairement sur ce qui va se passer dans le monde. Je suis assez engagée humainement parlant, mais ce n’est pas du tout politique. Tout ce qui se passe dans le monde me hérisse le poil ! J’écris énormément là-dessus. Après, je peux aussi parler de sujets plus personnels. Je fais de la musique, c’est un petit peu ma thérapie, ma catharsis. Je ne dirais pas que ça me coûte moins cher qu’un psy, mais ça fait du bien (rires). Il n’y a pas de sujet unique sur cet album, il n’y a pas de fil conducteur ou une histoire, mais il y a des sujets redondants. Le nom « Fallen » rejoint tous ces sujets-là… Dans le jargon militaire, « fallen » est un soldat mort au champ d’honneur. Et aussi au sens religieux, avec les anges déchus. Tout ça rejoint les sujets sur lesquels j’ai écrit. Le monde ne se porte pas très bien,….

F.A. : Du coup si l’on reprend cette idée de chute, pour vous est-il déjà trop tard ou peut-on encore faire quelque chose ?

Naty : C’est un peu des deux… La première chanson s’appelle « Wake up » donc « Réveille-toi avant qu’il ne soit trop tard », et plus l’album continue, plus on se dit qu’en fait il est peut-être déjà trop tard.

Junior : T’as « Under the bombs » après, tu vois.

Naty : Après c’est surtout un constat de ce qu’il y a maintenant, en mode « Réveillez-vous ! Ca ne va pas bien du tout, il faut faire quelque chose avant qu’il ne soit trop tard, si ce n’est pas déjà le cas ».

Junior : T’as le choix en fait, vraiment. Si on retransmet par rapport au nom des morceaux, on a « Wake up », « Why » qui est le questionnement, « Under the bombs » qui est une résultante de la chute. T’as vraiment le choix, c’est ta pensée personnelle. Nous, on ne fait qu’exprimer la nôtre par la musique. Après si l’album est aussi violent, c’est parce qu’il y a soit besoin d’un réveil, soit d’assumer une situation.

Estelle : Certaines chansons sont plus positives que d’autres. Un petit peu en tout cas (rires). Elles sont plus là pour essayer de motiver, parce qu’en soit, pour que ça aille mieux, il faut que tout le monde se bouge les fesses ! Il n’y a pas de recette miracle. Et ce n’est certainement pas en restant devant sa télé en faisant « hou je ne suis pas d’accord ». Ca, ça ne marchera pas ! « Wake up » ou « Break the wall » sont dans cet esprit un peu plus positif. Après il y en a qui sont plus des constats, « Under the bombs » par exemple. Celle-là c’est plus une histoire. Dans ma tête, c’était un enfant, je ne sais pas si on comprend avec les paroles, mais c’est un enfant qui s’est pris une bombe, sous des ruines, sous des gravats… Après il y a « Until the world burns » c’est plus engagé, plus rageur, plus « je continuerai de gueuler tant que ça n’ira pas mieux ». Après d’autres sont vraiment personnelles, qui n’ont pas ce sujet-là. Typiquement, « Monster ». Dans l’ensemble, ce n’est pas très très gai quand même. Mais on espère tout de même hein, je croise les doigts !

Junior : L’album a été composé en 2017/2018. Si tu te remets dans le contexte de l’époque, t’es à fond dans les pollutions, à fond dans les changements politiques dans le monde qui font un peu peur, t’as plein de questionnements qui tombent…

Naty : c’était un peu le début de ce que l’on voit maintenant. Le ras-le-bol des gens.

F.A. : Mais du coup c’est forcément un peu politique…

Estelle : En fait quand je dis que je ne suis pas politique, c’est que je ne dis pas que je suis droite, je suis de gauche ou je ne sais quoi. Je serais plutôt engagé politiquement pour dire que je suis contre en général tous les politiques. Pour moi, c’est un peu tous les mêmes…

F.A. : Et même l’écologie politique ?

Estelle : Ah l’écologie, ce n’est pas pareil. Pour moi c’est un autre sujet, ça ne devrait pas être politisé, ça devrait être naturel, obligatoire et indispensable.

Naty : C’est un truc de base en fait.

Estelle : Tous les politiques devraient avoir ça en vue. C’est la moindre des choses.

Junior : Après, il n’y a pas de politique dans le CD. On ne dit pas qu’on a un bord ou l’autre.

Naty : En fait c’est pas engagé.

Junior : On se bat contre un système. On se bat contre un système destructeur, c’est ce qui nous anime. De manière générale, lorsqu’on dit qu’on n’est pas politisé, en fait on n’est juste pas d’accord avec le système tel qu’il est construit. On ne peut pas dire non plus qu’on n’a pas de sensibilité. Après l’écologie en tant que telle, c’est oui à 100%.

F.A. : Si on parle un peu plus du son, Except One se situe entre plusieurs scènes (et notamment le hardcore dans l’esprit de ce que l’on vient de dire)…

Naty : Tout à fait. C’est parce qu’on a tous des influences différentes. Il y a bien sûr un point commun avec le metal et des groupes qu’on aime tous, mais ce que l’on écoute tous les jours, ce n’est pas exactement la même chose pour chaque membre. Du coup ça se ressent dans les chansons. On essaie de faire en sorte que tout soit cohérent et homogène. Certains morceaux auront des tendances plus marquées dans un style ou dans un autre en fonction de qui l’a composé, de comment on l’a ressenti. Des morceaux vont tendre vers le hardcore en effet, d’autres vers le deathcore, le death tout court, parfois il y a des influences un peu neo-metal où t’as de la basse avec du slap… Je trouve que l’album reste assez cohérent dans l’ensemble et on sait que c’est nous.

Junior : c’est ça qui est intéressant, c’est que c’est l’union de tous les styles, de toutes les personnalités. On a réussi à se mettre d’accord et à sortir un projet qui nous plaît et qu’on défend bec et ongle.

Estelle : On écoute tous du metal, mais pas le même. On mélangé tout ça pour avoir quelque-chose qui corresponde vraiment à tout le monde.

Naty : On n’est réfractaires à aucun style dans le metal, on est ouverts. Si sur une partie il faut mettre du blast en mode black metal, on le fait parce que ça passe bien. Et on s’en fout en fait. C’est vrai que pour la programmation de certaines dates, parfois c’est un peu compliqué, parce que justement « vous faites quoi ? » : « ben nous on fait du metal ! ». Après tu ressens ce que tu ressens quand t’écoutes les morceaux. Tu veux mettre une catégorie, tu le fais. Nous, on ne le fait pas. Et c’est vrai que sur la programmation de certaines scènes, on se retrouve avec des groupes qui ne sont pas exactement dans notre style. Mais ça donne des concerts avec plein de styles différents, donc c’est cool.

F.A. : Hier soir, c’est Gojira qui clôturait sur la grande scène. Sur ce que porte ce groupe depuis le début, je ne peux pas m’empêcher de penser que vous les avez écoutés.

Naty : Bien sûr, oui. Déjà c’est excellent ce qu’ils font, en plus ils sont français et en plus ils sont devenus énormes. La trajectoire – de leur carrière en tout cas, pas de leur musique – ça fait rêver, forcément.

F.A. : Il y avait aussi le côté assumer de défendre la cause des baleines…

Naty : Et d’assumer l’écologie complètement dans un metal où c’est pas forcément le premier sujet, dans le death en tout cas. D’arriver à un niveau mondial avec ça, c’est excellent. C’est un son particulier et maintenant c’est leur patte, on la reconnaît tout de suite et on adore ça.

Estelle : Trois notes seulement. Le son de guitare. C’est bon. C’est vraiment quelque-chose sur lequel on veut arriver justement. Moi personnellement, je n’écoute pas spécialement Gojira. Quand je les ai vus en concert, j’ai pris une claque et j’ai compris, mais ce n’est pas mon style de prédilection. Mais il y a d’autres groupes comme ça, Slipknot par exemple. Manson, on sait que c’est Manson. Rammstein pareil. Justement, on est en train d’essayer de travailler là-dessus pour avoir ce petit cachet où on fasse : « Ah, c’est Except ».

Junior : On ne suit pas de règles, on n’est pas maintenus par un style, pour faire la différence un peu avec tous ce qui sort en ce moment, les groupes qui se ressemblent en fait, qui ont les mêmes schémas de composition. Nous, on ne veut pas être là-dedans. On fait du metal, on est tous ensemble et on travaille un son qui te fasse comprendre en fait, qui te dise : « Except, c’est ça ». La puissance d’Except réside là-dedans, de vouloir intriguer les gens juste par le son. Tu peux avoir autant de visuels que tu veux, la com’… au final c’est juste le son qui compte.

F.A. : il y a eu toute une période dans le metal où il y a eu des groupes à chanteuse (Nightwish, Within Temptation…). C’était quelque chose de très genré en fait : la voix douce de la chanteuse, très féminine, par opposition au reste du groupe puissant. Comme une princesse de conte de fée. Est-ce une volonté de votre part de proposer une voix qui pourrait être celle d’un homme ?

Estelle : Ca c’est un hasard. Je suis contente j’ai une voix grave, c’est coolJe remercie ma maman quoi (rires). Personnellement, ce n’est pas une question que je me pose. Le genre du musicien, je m’en fous, mais d’une force ! Moi ce que j’aime, c’est la musique, c’est la présence sur scène. C’est un homme, c’est une femme, c’est un trans… pour moi c’est tout pareil. Après je n’ai jamais écouté spécialement de metal sympho, donc ça ne me serait pas venu à l’esprit d’en faire. J’adore Nergal, j’adore Behemoth, j’adore Slipknot, j’aime beaucoup Max Cavalera. C’est plutôt ça qui m’a donné envie d’essayer. Je ne me suis jamais dit que le fait d’être une fille pourrait être un atout. On aime ma voix, on ne l’aime pas et ça va s’arrêter là. Faire un groupe et mettre en avant la fille du groupe, qu’elle soit chanteuse, guitariste, bassiste, batteuse, je trouve ça dommage. L’important dans un groupe, c’est la musique.

Junior : Elle est au centre, mais elle n’est pas devant.

Naty : En fait, ce n’est pas notre argument commercial : « regardez c’est une nana au chant et elle a un énorme growl ». Non, on fait du metal, est-ce que ça vous plaît ?

François Armand

Except One  / Fallen (O.M.N.I #3) (France | 23 novembre 2018)

 

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