Alien : Covenant
Ridley Scott

EnterreUn souffle parcourait Prometheus. Faible, très faible. Celui d’un mourant délivrant avec délectation son secret avant de trépasser. Ce secret, celui de la genèse de l’alien, était suffisant pour porter un film bancal, animé d’une énergie délétère dont on ne croyait plus capable papi Scott, 80 ans cette année ; lui dont la carrière s’est éteinte, disons, pour être aimable, à l’aube des années 90. Et voilà qu’il revient, encore, avec Alien : Covenant. Comme si la vilaine bêbête était la dernière babiole à laquelle son art expirant pouvait se raccrocher pour survivre.

La machine Ridley Scott tournait déjà à plein régime sur Prometheus, au risque, parfois, de la surchauffe. Là, le réalisateur a pété une durite. Après une première partie polie où Scott tient à montrer qu’il est à la page (la sortie dans l’espace, Gravity like), qu’il a le sens du rythme (une belle sortie dans la forêt que n’aurait pas renié John Mc Tiernan, époque Predator), il délivre un climax arrivant, par essence, beaucoup trop tôt. C’est la très belle idée de l’accouchement spinal, sorte de scène miroir de celui, ventral, par lequel tout a commencé il y a quarante ans.

Et puis patatras : Alien : Covenant sombre inexorablement vers la série Z. Alien, le huitième passager jouait la carte du less is more. Question de budget peut-être. Le maquettisme ne permettait de toute façon pas le moindre écart, au risque du ridicule. Et cela tombait plutôt bien, Ridley Scott ayant pris parti. En 1979, son adage était : on a peur de ce qu’on ne voit et connaît pas. En 2017, on n’a plus peur du tout, et on voit tout. More is less. Scott s’attarde inutilement sur les détails anatomiques de ses xénomorphes, comme s’il venait de découvrir le numérique. On a beaucoup reproché cette surenchère à David Fincher et Jean-Pierre Jeunet, à la naissance des effets spéciaux sur fonds verts : ils montraient trop l’alien. Sans doute, mais leurs univers et leurs personnages (la géniale idée de la prison XYY, sorte de relecture à l’envers des Proies de Don Siegel dans Alien3, la galerie de badasses et d’expérimentations tordues dans Alien, la résurrection) dynamitaient la série avec bonheur. Tandis que l’on serait bien en peine de retenir qui que ce soit du jeu de massacre de Alien : Covenant. Le héros du blockbuster du 21ème siècle est définitivement lisse, Ridley Scott se plie à cette triste règle, et échoue à réinventer une figure féminine convaincante.

Quant au gloubiboulga philosophique dont semble se délecter Scott, avec Fassbender en génie du Mal (scène impayable du cours de flûte), il fera, au mieux, rire les amateurs distants de la série, au pire, fulminer les adeptes qui ne doivent, à ce jour, penser qu’à une chose : le désespoir qu’a du ressentir Neill Blomkamp quand il vu Alien : Covenant. Lui dont le projet d’Alien 5, avec Sigourney Weaver et Michael Biehn, a été repoussé aux calendes grecques par Ridley Scott, confit de prétention, clamant que ce projet n’avait « jamais eu de scénario ». Venant de sa part, cela laissait (laisserait ?) donc espérer le meilleur… Saloperie d’industrie.

 

François Cordag

 

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Alien : Covenant de Ridley Scott (Etats-Unis ; 2h02)

Date de sortie : 10 mai 2017

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