THE TRIP
Tommy Wirkola

Soumis comme tout le monde aux contraintes sanitaires, Tommy Wirkola retrouve avec The Trip cette énergie qui a fait le succès de l’artisanal Dead Snow. Il semblerait que le Norvégien ne soit jamais aussi en forme que lorsque le contexte (financier, logistique ou – comme ici – lié à la pandémie) lui impose de faire preuve de créativité. Prévu initialement pour être tourné aux Etats-Unis, son nouveau bébé a finalement pour décor la forêt scandinave et pour langue, la sienne, le Norvégien. Cela sonne donc comme à un retour à ses amours de jeunesse, surtout quand le projet semble motivé essentiellement par une farouche envie de tourner, par pur amour du genre horrifique. Le réalisateur s’amuse de manière évidente et une décennie supplémentaire d’expérience dans le métier lui permet désormais de mieux maîtriser sa narration et sa grammaire cinématographique.

Une cabane isolée dans les bois, un couple à la dérive et du matériel de bricolage : le postulat est clair et la simplicité du dispositif est à même d’offrir une place de choix aux personnages, évoluant dans un huis-clos, façon pièce de théâtre. Le trompe l’œil est d’ailleurs constant, et le premier plan de The Trip, celui d’une banale sitcom, constitue à ce titre une très bonne amorce en donnant le ton assurément comique, mais toujours teinté de pulsions malsaines, du film à venir. On peut même penser que Wirkola se projette par le biais de Lars (Aksel Hennie), ce mari médiocre, mauvais réalisateur de télé, véritable caricature de créateur caractérisé par sa faiblesse et son égocentrisme.

Si le réalisateur norvégien choisit de déporter son regard davantage sur Lars que sur sa compagne Lisa (excellente Noomi Rapace, sûre de son fait dans son rôle d’actrice ratée), c’est bien parce que la thématique de la masculinité se trouve sans cesse bousculée, interrogée et remise en question. C’est clairement quand la virilité du mari est la plus mise à mal que celle-ci peut enfin se révéler ! A contrario, à aucun moment la force du personnage de Noomi Rapace n’est remise en question : c’est le nouveau standard des représentations contemporaines des personnages féminins. Définitivement, la princesse n’est plus à délivrer par le preux chevalier, elle se débrouille très bien toute seule pour occire le dragon, merci pour elle. En revanche, c’est désormais au mâle de prouver qu’il est digne de la puissante femelle, bousculé sur un terrain qui était le sien jusqu’alors. Plus subtilement qu’il n’y paraît (certains cadres sont légèrement débullés par exemple, vieille technique pour introduire le sentiment que quelque chose ne tourne pas rond), aidé par sa mise en scène, l’intrigue se noue autour de ce couple à bout de souffle.

Le spectateur se laisse piéger lorsqu’une certaine tension dépasse la simple comédie, alors que le film prend le contrepied des clichés classiques concernant les enjeux sexuels. The Trip va au-delà d’une simple succession de gags horrifiques – réussis au demeurant – car sous la farce et l’hémoglobine se cache un questionnement sur les diktats liés au genre. Les héroïnes modernes sont bien à leur place lorsqu’il s’agit de répandre de la cervelle au fusil de chasse, et c’est bien à l’homme de se réinventer non pas en opposition, mais dans une alliance salvatrice.

François Armand

1h 53min | 20 octobre 2021 | Norvège

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