HOSHI
étoile flippante

FocusIl serait facile de condamner Hoshi à peu de frais en se braquant à l’écoute de « Et même après je t’aimerai », single phare d’Etoile Flippante. Il faut dire que la stupeur induite par la nullité de cette chanson à l’universalité factice est à la hauteur de l’immense surprise que fût Sommeil Levant sorti l’année dernière. Pour autant, se limiter à ce premier contact avec l’univers (et/ou ce troisième album) d’Hoshi conduirait à jeter le bébé avec l’eau du bain ; Etoile Flippante souffre plus de la comparaison avec son glorieux aîné que de réelles carences textuelles et mélodiques et doit s’écouter pour ce qu’il est : un honorable disque de variété, en gardant en tête tout ce que ce terme charrie de préjugés, justifiés ou non, et donc de malentendus.

Le parti-pris de Sommeil Levant était celui d’une synth-pop aussi brillante que singulière : la variété y était textuelle, thématique, plus que musicale. C’est un disque qui relevait du funambulisme, sur le fil entre facilité et épure mélodique, la ligne claire des mélopées se tordant sous le poids des mots grinçants de la jeune chanteuse, qui parvenait à épouser avec brio des thèmes aussi lourds que la dépression, le succès, l’écologie, l’homosexualité ou l’addiction. Etoile Flippante est en ce sens le double inversé de Sommeil Levant. On y retrouve cette production millimétrée, où rien ne dépasse, mais la chanteuse francilienne opte cette fois-ci pour une variété dans l’instrumentation et les ambiances (à l’image de Il suffit d’y croire, premier album sans grand caractère, dont la principale qualité était d’être éclaté, sans doute du fait de la diversité des auteurs-compositeurs). Le premier constat est cruel : Etoile Flippante semble mollasson, voire franchement gnangnan par moments.

C’est sans doute que le sentiment amoureux, qui occupe la moitié des titres d’Etoile Flippante, y est retranscrit de façon, au mieux banale, au pire extrêmement naïve. De façon générale les textes d’Etoile Flippante sont beaucoup moins percutants que dans Sommeil Levant : Hoshi se jouait alors des mots avec dextérité, assénant punchline sur punchline avec un naturel déconcertant. Etoile Flippante est plus terre à terre (c’est un comble !) : l’écriture est plus spontanée, sans doute, mais confine parfois au simplisme. Il y a moins de vitalité intellectuelle, c’est évident. Pour autant, le ballotement incessant entre hymnes club, ambitions orchestrales (plus ou moins bien assumées), tendances hip-hop, pop et même folk, fait son travail de sape : Hoshi sait s’entourer d’arrangeurs doués, et surtout, a compris que la bonne variété se devait avant tout d’être populaire (autre gros mot pour l’intelligentsia indie), c’est-à-dire rassembleuse et plus encore, intégratrice. Il y a une vraie joie de passer avec cohérence de l’électro bourrin et décomplexée de « Etoile Flippante » aux arpèges caressants et aux roulements de toms telluriens de « Pleurs de fumoir », d’embrasser d’un même geste les adeptes de boîtes de nuit et les amoureux d’une pop française dans ce qu’elle a de plus noble.

Mais ce qui finit de transcender le débat, c’est définitivement son incandescence de chanteuse : même lorsque les paroles frôlent (ou embrassent) l’indigence, la sincérité de son chant – sincérité dont elle fait son alpha et son omega (elle avouait récemment en interview qu’elle arrêterait le jour où celle-ci lui ferait défaut) – finit de nous achever : il faut l’entendre sur « Il était une toi », Marissa Nadler, diva folk américaine, n’aurait sans doute pas fait mieux sur des accords de guitare aussi dépouillés.

Une fois que l’on a exploré les limites d’Etoile Flippante (dont on peut sérieusement penser qu’il s’agit de chutes de studio de Sommeil Levant, prétexte à relancer une tournée avortée), il n’est pas interdit de préférer l’icône désenchantée du dancefloor que dévoilait Sommeil Levant (un statut qu’entretiennent avec brio les morceaux « Etoile Flippante », « Danser dans cette cadence » et « Enfant Clown ») à la chanteuse plus consensuelle que dévoile ce nouveau disque. Gageons surtout qu’après trois albums très différents, la chanteuse née à Saint Quentin en Yvelines saura encore nous surprendre.

François Corda

Hoshi / étoile flippante (France | 18 juin 2021)

 

 

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