Il est bien évidemment aisé, voire de bon ton, de condamner un artiste dès lors qu’un usage immodéré de l’autotune imposerait ce chant popifiant et rap-à-l’eau, à l’image de ces ritournelles sans saveurs déferlant à longueur de temps dans les rayons des supermarchés.
Avec Nelson Beer, ce serait une erreur. D’ailleurs, peut-être même qu’il en use comme d’une provocation, cultivant un décalage entre une posture arty très tranchée, avec par exemple ses intrépides aventures bruitistes, ou encore cette poésie désenchantée, et un son ouvertement pop tendance club, bardé de nappes électro. Par instant, il se fait bande-son d’une sorte d’expérimentation artistique (bande-son que Nelson Beer a d’ailleurs déjà composée dans le cadre d’expositions bien réelles) ; l’instant d’après le voilà singeant un refrain aux allures de tube FM.
La précision du travail de conception d’un univers sonore riche permet de déduire sans difficultés que ces fugaces instants constituent bien un moyen assumé pour former un cocktail dont le sens ne serait pas de faire du rap, de la musique de club ou de l’expérimentation musicale, mais bien de délivrer un (trop ?) court album, affichant sans complexe une double vérité, celle d’une volonté de séduire et celle d’assumer le chaos, à l’image d’un artiste décidément fascinant.
François Armand
Nelson Beer / orlando (France | 7 mai 2021)