LA GREEN BOX
interview

RevueIl y a quelques jours, la Green Box proposait son premier concert au public parisien. Loin l’austérité des pages d’une édition de la Pléïade, voici donc Victor Hugo chanté avec verve sur les planches. Florent Vintrigner, à l’origine du projet, a accepté de répondre aux interrogations du BUB concernant ce projet atypique.

François Armand : Quelle est la genèse du projet la Green Box ? Comment vous êtes-vous réunis autour de cette idée ?

Florent Vintrigner : J’avais fait la musique pour un spectacle du Théâtre du Fil dans lequel la metteur en scène (Emmanuelle Lenne) avait fait une adaptation du roman de Victor Hugo : « L’Homme qui rit », mon personnage faisait partie de la troupe d’un théâtre ambulant appelé « La Green Box » et je chantais deux poèmes de Victor Hugo. J’ai pris goût à chanter du Victor Hugo, j’ai mis en musique d’autres poèmes. J’ai joué l’un d’entre eux à une balance de La Rue Ketanou, Arnaud Viala qui faisait le son a improvisé des effets sur la guitare et la voix. Ça nous a donné l’envie de monter un répertoire, on a fait appel à Benoît Laur (qui faisait le son retour de La Rue Ketanou) pour jouer la batterie. Benoît s’est mis aussi à faire des arrangements, Arnaud a continué à mettre des effets de son et ce que je pensais être un guitare/voix est devenu un groupe de musique dans lequel le sonorisateur est un membre à part entière. Nous avons commencé il y a environ deux ans.

F.A : L’album propose des chansons adaptées de poèmes du grand poète Victor Hugo. Y avait-il une musicalité dans ces textes telle qu’il vous a semblé évident d’en faire des morceaux ?

F.V : L’écriture de Victor Hugo est pleine de rythme, d’élan et de fluidité, donc dès la lecture elle est musicale, pourtant ce n’est pas toujours évident d’en faire des morceaux car elle n’a pas été pensée pour être chantée.

F.A : Mettre en musique ces poèmes n’a pas dû être évident. Comment vous y êtes-vous pris pour en faire véritablement des chansons ?

F.V : Pour deux d’entre eux nous avons utilisé le titre pour faire un refrain, pour un autre nous avons taillé dans le texte, à part pour ceux-là, nous avons pris les poèmes tel quel. J’aime bien la recette couplet / refrain, mais j’aime aussi que la chanson en soit libérée. Et puis finalement qu’est-ce qu’une chanson, sinon une rencontre entre les mots et la musique ? Parfois elle se fait, parfois elle ne se fait pas, mais si chacun trouve sa place, peu importe le format.

F.A : Tout comme les univers dépeints dans les chansons, les textures musicales employées sont très variées et singulières à chaque morceau. Est-ce que finalement s’imposer une contrainte (des textes originaux) vous a permis de libérer une plus grande créativité d’un point de vue musical ?

F.V : Déjà nous n’avions pas l’angoisse de la page blanche mais nous étions au contraire face à des poèmes dont nous étions spectateurs. La musique a trouvé sa force et ses ailes directement dans la poésie de Victor Hugo.

F.A : Pourquoi particulièrement les poèmes de Victor Hugo ? Est-ce un auteur qui vous a toujours inspiré ?

F.V : Avant le spectacle sur « L’Homme qui rit » j’adorais les romans de Victor Hugo mais je ne connaissais pas ses poèmes. La rencontre avec sa poésie s’est faite récemment et par hasard. J’ai adoré sa fulgurance.

F.A : Les poèmes se sont-ils tous imposés d’eux-mêmes ou y a-t-il fallu faire des choix ?

F.V : C’est la musique qui a choisi.

F.A : Mis à part certaines tournures de phrase, un auditeur non au fait du contexte du projet pourrait se méprendre sur l’âge des vers qui sont chantés. Avez-vous malgré tout pensé à adapter les textes originaux pour les adapter au contexte actuel ?

F.V : Non jamais, mais je pense que si les noms communs changent, pour l’instant chaque époque retrouve les mêmes amours, les mêmes colères, les mêmes injustices et les mêmes rêves. Je ne crois pas au « c’était mieux avant », mais comme Victor Hugo je crois au « ce sera mieux un jour ».

F.A : Victor Hugo a commencé sa carrière politique en siégeant avec la droite conservatrice, avant de prendre des positions en faveur du progrès social et contre les inégalités. Ses positions iront jusqu’à lui attirer les foudres de la bourgeoisie, toutefois il gardera ses distances avec la Commune par exemple. Pourtant, certaines paroles de l’album dénotent d’un esprit proche de l’anarchisme. Etait-ce voulu de faire transparaître cet aspect ?

F.V : Je crois surtout qu’il y a un esprit rebelle à toute forme d’injustice, de diktat et d’oppression et bien sûr ça me plait beaucoup et j’avais très envie de le chanter, tout autant que de chanter l’amour pour sa fille.

F.A : Est-ce que finalement, un des messages que vous souhaitez transmettre, n’est-ce pas une certaine culture de la pensée critique, notamment vis-à-vis des puissants ou des religions ? Est-ce que la pensée critique fait défaut de nos jours ?

F.V : Qu’elle s’adresse aux puissants, aux religions ou au commun des mortels la pensée critique n’a pas disparu mais elle fait toujours défaut, non pas que l’on manque de penseurs, mais plutôt que les penseurs manquent de public, de nos jours, comme au temps de Victor Hugo.

F.A : Diriez-vous qu’aujourd’hui encore, une véritable pensée politique ne saurait être dissociée de la littérature ou de la poésie ? En quoi, à votre avis, la littérature serait-elle nécessaire pour nourrir notre vie politique actuelle ?

F.V : La poésie c’est une écriture qui laisse de la place entre les lignes pour que chacun y fasse résonner sa réflexion, ses sentiments et ses émotions, pour que chacun se découvre. Sans elle il n’y a pas de liberté possible. En dictature elle est persécutée, donc tout dépend de la politique que l’on veut penser, mais si on aspire à une vie politique des droits de l’homme alors elle est indispensable.

F.A : Enfin, aujourd’hui quelle place aurait Hugo sur l’échiquier politique ? Aurait-il seulement sa place ?

F.V : Il a sa place, puisqu’il est souvent cité dans les discours des femmes et des hommes politiques d’aujourd’hui : c’est celle d’un humaniste qui croyait en un avenir meilleur.

François Armand

bub

La Green Box (France | 26 mai 2018)

 

 

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