WALKING DEAD : SAISON 4
Frank Darabont et Robert Kirkman

EnterreLa seule raison qui pouvait pousser à regarder cette nouvelle saison de Walking Dead, c’était le petit espoir que laissait naître la précédente, après deux saisons moribondes qui cherchaient à s’écarter du roman graphique tant bien (rarement) que mal (souvent). L’espoir est ici réduit à peau de chagrin : avec cette quatrième saison on se rapproche de plus en plus d’un modèle de série télévisée décervelée. Les créateurs auraient ils été contaminés par leurs propres créatures ?

Walking Dead nourrit depuis le départ un paradoxe qui prend dans ces nouveaux épisodes un tournant carrément absurde, responsable de l’inanité de cette saison : n’hésitant jamais à surenchérir dans le gore (souvent gratuit), mais penchant plus du côté de La Petite Maison dans la prairie dès lors qu’il s’agit des sentiments (cf. le tournant « brute au grand cœur » risible que prennent des personnages comme Daryl et Michonne), Walking Dead ose sans vergogne l’association d’un puritanisme très américain à l’horreur la plus trash. Cela relève d’une certaine indécence, comme si la pureté des sentiments pouvait compenser l’air de rien l’imagerie gore que la série déploie avec un certain sens du vice (les effets spéciaux sont l’un des rares points forts de Walking Dead). Ce choix racoleur a un avantage indéniable pour les producteurs : en bouffant à tous les râteliers (des tripes pour les fans de films de genre, des sentiments pour les grands romantiques, quelques séquences « débrouillardise » pour les amateurs de survivals), Walking Dead rafle la mise en matière d’audience. Mais si l’on cherche plus que la satisfaction de son penchant à l’addiction sérielle, c’est autre chose, chaque épisode nous coupant l’envie de poursuivre la série aussi sûrement qu’une balle dans la tête d’un zombie.

Un autre problème de taille prend des proportions ridicules dans cette quatrième saison : en économisant ses personnages clés en dépit du bon sens (cf. l’épidémie de grippe qui tue tout le monde sauf Rick et sa bande), en les rendant pour ainsi dire invincibles, Walking Dead rend impossible notre identification aux personnages, tous très stéréotypés et donc prévisibles. Quand on sait que l’une des plus grandes forces d’une bonne série télévisée est précisément de rendre ses différents caractères humains (parce qu’on les retrouve chaque semaine, les voyant évoluer au gré des événements qu’ils traversent, ils deviennent d’une certaine manière nos proches), ceux là ne sont finalement que des prétextes à faire avancer un récit pour le moins téléphoné : on comprend vite que, quoi qu’il arrive de grave au groupe de Rick (disparitions, maladie, conflits internes), tout converge vers les retrouvailles, le pardon, la réunification (voir le cas d’école de Carol).

C’est sans doute une autre explication au succès mondial que rencontre la série : dans un monde dans lequel les relations humaines sont reconfigurées  par les réseaux sociaux (sans qu’on soit certain que cette évolution soit positive), où le travail peut être vécu par beaucoup comme une aliénation, et où les écarts de richesse sont de plus en plus visibles, Walking Dead est du pain béni puisque tout le monde y est sur le même pied d’égalité : SDF, ayant perdu tout ou partie de sa famille. Que l’on soit blanc ou noir, que l’on ait été avant la fin du monde riche ou pauvre, laid ou beau, lorsque l’argent n’a plus de valeur et qu’Internet n’existe plus, on est bien obligé de se débrouiller avec rien, dialoguer, faire des compromis, autrement dit se serrer les coudes. La série ne dit rien d’autre que cela : seul dans un monde post-apocalyptique, on est mort. Merci pour l’info.

Mais le maigre intérêt sociétal du succès de Walking Dead n’excuse évidemment pas ses faiblesses intrinsèques. Le jeu d’acteurs en est une autre. Jusqu’à cette quatrième saison, Walking Dead agaçait déjà par son caractère binaire : une scène gore, du blabla, une scène gore, du blabla. Ici ce symptôme devient systématique, jusqu’à casser toute forme de suspense quant à l’évolution du récit. Les acteurs sont pris au piège de cette incurie scénaristique, contraints de jouer et rejouer sans cesse les mêmes situations.

D’une certaine manière la série Walking Dead fait de nous, spectateurs, ses propres zombies. C’est-à-dire que l’on s’installe derrière notre écran toutes les semaines, bêtement, comme le mort-vivant marche : tandis que ceux à l’écran cherchent désespérément de la chair fraîche, nous, spectateurs, attendons en vain de retrouver la petite matière à réjouissance qui émergeait dans la troisième saison. Le remède pour résister à cette lente zombification est simple : lever les fesses de son canapé. Dont acte.

François Corda

bub

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Walking Dead (saison4) créée par Frank Darabont et Robert Kirkman

Date de sortie : 28 octobre 2013

bub

gg
Showing 2 comments
  • interessant

    j’ai rarement vu un avis aussi categorique! on parle bien d’une saison qui est passé de 6m de telespectateur au US sur la premiere saison à plus de 15 millions de spectateur zombifié sur la 4em saison, certe mois explosive que la precedente, mais bien plus riche dans son contenu, la 5em va partir direct dans le combat, cela pourra peut etre vous satisfaire bien que l’on ne sache pas vraiment ce que vous attendais de la serie..

  • moow

    je suis pas de tout d’accord!!!

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