L. PIERRE
the island come true

DeterreThe Island Come True, disque vintage ? Sur la forme peu importe ; disons qu’il s’agit d’une piste pour évoquer le dernier album d’Aidan Moffat, ancienne moitié d’Arab Strap et ici L. Pierre. Le vintage, c’est l’exhibition dans une même chose, de ce qui existait, qui n’existe plus, mais finalement existe à nouveau. Cette fonction d’apparat du vintage, c’est ce qui est problématique : c’est une ancienneté de choses qui ne le sont pas. Soit, du toc – c’est agaçant ; un divertissement du moderne – c’est divertissant ; une chose perdue qui appartient à un autre temps, un territoire inconnu alors qu’on pensait tout connaître – c’est nostalgique et étrange. Le vintage veut nous faire croire (à un voyage dans le temps, dans l’espace). Le tout est donc de croire, voire, ici, d’être dupe.

Être dupe pour l’auditeur, c’est, pour Moffat, faire en sorte que l’île devienne réalité (le titre de l’album est celui d’un chapitre du Peter Pan de James Matthew Barrie, écossais lui aussi, rêvant apparemment également d’autres contrées). Comment faire ? Raconter une histoire. Une histoire, en l’occurrence, qui transporte vers cette île. Une immersion. Et là, au lieu de l’ostentation qui parasite le plaisir de l’objet, le vintage apporte une essence. Il y a une atmosphère : les cris des mouettes, le souffle tropical des insectes nocturnes, la texture du son. Dans ses interviews, Moffat insiste sur le crépitement du vinyle. Ça sonne comme un artifice branché, d’autant plus que l’affectation sur le mode anti-moderne du barbu est un peu lassante. Mais n’empêche. Si l’élément est inutile à la mécanique mélodique de Moffat (il extrait, comme un parfumeur, des trucs assez dingues de ses mélodies – « Sad Laugh », tristesse infinie), il est essentiel à la tenue et au frayage qui se fait dans la mémoire. Il permet à l’insignifiant de reparaître. Entre « Dumbum » et « The Grief that does not speak », le raccord crépitant est lent, latent, merveilleux.

Surtout, le disque laisse se développer une logique du rêve qui place l’auditeur dans une attention et une tension constante, nécessaire au développement de l’histoire. L’album débute par une scène d’ouverture classique : un bord de mer, un port, où un paquebot vient vraisemblablement d’arriver (« KAB 1340 »). Il y aura ensuite, dans le désordre, un piano dans un décor noir et blanc (« Harmonic Avenger »), une sorte d’expérience bizarroïde réalisée avec de vieux instruments sortis d’un film de Mario Bava, un truc psyché et vieux, qui entre en contradiction avec une musique de jouet d’enfant (« Now Listen! »), une danse rituelle indigène qui s’annonce comme un prémisse à des sacrifices ou à des expériences scientifiques près d’un volcan (« Doctor Alucard »), des rires d’enfants dont on ne sait plus s’il s’agit vraiment de rires : fantastique et, sans qu’on sache très bien pourquoi, terrifiant. Ces éléments éclatés qui parlent de lieux différents, donnent, rassemblés comme une petite collection de coquillages sauvages, une histoire. Ces fractures créent une mélancolie. Le penchant au fragment, le fait de ne pas clore les moments narratifs, donnent toute sa force à l’art du collage de Moffat. And the island come true…bub

Marc Urumi

bub

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L. Pierre / the island come true

Date de sortie : 14 janvier 2013

 

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