LES INVISIBLES
Sébastien Lifshitz

DeterreInvisibles. Ces couples d’homosexuels septuagénaires / octogénaires, qui pourraient être nos parents, nos grands parents, sont invisibles. Ou ont le sentiment de l’être, en tout cas. Invisibles car nés entre les deux guerres à une époque où l’OMS associait l’homosexualité à une maladie mentale, où les mots « gay » ou « coming out » n’avaient pas encore fait leur apparition comme identifiant sexuel. Mais également invisibles de nos jours, à une époque où les clichés associent trop souvent l’homosexualité à la jeunesse et au culte du corps, notamment chez les hommes. Avec ce très touchant documentaire, qui semble tomber à point nommé dans le contexte du Mariage pour Tous, Lifshitz porte en lumière ces personnes de l’ombre et montre un autre visage de l’homosexualité : un visage attachant et familier.

Bien loin de s’inscrire dans une démarche militante et de vouloir heurter les sensibilités catho – traditionnelles, Lifshitz a choisi d’illuminer l’homosexualité par deux coups de projecteurs : en s’intéressant à des figures encore jamais exposées, celles de couples de personnes âgées, et en abordant leurs histoires, non sous l’angle de la différence (car c’est bien souvent comme cela que l’homosexualité est abordée) mais sous l’angle de la confidence et de l’intimité.

Rides, peaux usées, mains taillées ; Lifshitz filme ces visages et corps chargés d’histoires en gros plans fixes et longs. Une chevelure, un chignon qui se défait, des corps qui se balancent sur une jambe, puis l’autre. Le temps. Les Invisibles, c’est avant tout cela : s’intéresser à un autre visage de l’homosexualité, un visage jusque là encore inconnu et donc invisible. Un visage qui ne fait peut-être pas rêver mais un visage réel, sans strass ni paillettes, comme celui que l’on voit parfois dans le cinéma populaire (La Cage aux folles) ou lors de certains événements sociétaux (la gay pride). Même si le cinéma lgbt (lesbien, gay, bi, trans) s’est enrichi en 2012 avec Hors les Murs, Keep the Lights on, Kyss Mig, En Secret, il faut dire que les couples filmés sont principalement ceux de femmes et hommes âgés de 25 à 40 ans. Avant Lifshitz, le cinéma lgbt n’avait pas encore « franchi le pas » d’explorer l’homosexualité entre personnes âgées, de casser le culte du jeunisme (qui permet certainement de mieux faire passer le goût d’une pilule encore trop amère pour certains). Avec Les Invisibles Lifshitz tombe le masque et affiche en gros plan le visage d’une autre réalité, une réalité qui a cette fois le mérite d’être représentative.

Deuxième coup de projecteur. Le réalisateur traite l’homosexualité non sous l’angle de la différence, par des thèmes généralement abordés dans les documentaires, comme le « coming out », « s’assumer gay », qui par leurs simples appellations soulignent la différence, mais sous l’angle du « vivre gay ». Vivre et vieillir gay avec son lot de joies, de peines, que la vie réserve à tout un chacun. Vivre gay comme vivre hétéro. C’est ainsi que nous découvrons une femme qui, après avoir mis quatre enfants au monde et joué le rôle de l’épouse et mère parfaite, s’émancipe via son homosexualité ; également, un couple de vieux messieurs que nous suivons dans leur quotidien (effectuer les tâches ménagères, faire la cuisine) ; un autre couple qui nous raconte comment ils se sont aimés dès le premier coup d’oeil… A travers ces histoires de « grands parents », Lifshitz aborde l’homosexualité de façon dédramatisée, simplement. C’est salutaire.bub

Raphaëlle Courcelles

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Les Invisibles de Sébastien Lifshitz (France ; 1h55)

Date de sortie : 28 novembre 2012

bub

 

 

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