Skyfall
Sam Mendes

Enterre« Cela fait partie du plan ». Vers les deux tiers du film, l’agent Q suit, sur une carte de Londres, une course-poursuite entre Bond et son ennemi du moment. Bond réalise : cet ennemi nous a menés en bateau, cette poursuite fait partie de son plan. L’histoire lui donne évidemment raison. Le dernier James Bond, c’est donc à peu près ça. Suivre les mouvements énervés de quelques acteurs dans une trame conçue à leur insu et à celui du spectateur. Ou comment être le témoin de la soumission d’une franchise à un plan.

Il s’agit d’abord, rien de nouveau ici, de plan marketing : marques égrenées, inserts quasi statiques sur la montre de Bond – on ne peut pas s’en accommoder, surtout quand le cynisme est poussé au point de ne même plus cacher ce genre de ficelle publicitaire. Plan de carrière de Judi Dench, actrice de 75 ans, M dans le film, dont il est prévu le remplacement à la fin du film, c’est-à-dire la mort du personnage. Plans cul de Bond, rarement aussi peu incarnés : un plan cul serait plus beau s’il n’était pas seulement un plan cul. Mais c’est surtout cette trame scénaristique planifiée, et non motivée, qui ne génère aucune empathie. Si, quoiqu’il survienne, l’histoire est soumise à un plan, alors il n’y a plus de véritable histoire possible. Cynisme là encore du réalisateur de tenir pour acquis, sans être allé le chercher, le désir du spectateur, au choix, d’entendre des justifications sans queue ni tête autour des forces de l’ombre et de la lumière, de voir des acteurs commenter leurs actions ou les décors dans lesquels ils évoluent, de plonger dans le passé de Bond pour lui donner cette humanité qui ne lui aurait pas fait défaut s’il avait su être dirigé. Et, de fait, cynisme de mener ce spectateur en bateau – l’important n’est pas dans la narration, et d’ailleurs, il n’y a pas grand-chose d’important.

Si ce n’est faire partie du plan. On avait d’ailleurs rarement vu si peu de choses dépasser du plan, cinématographique cette fois-ci. D’une part, rien n’existe hors champ, rien ne circule hors de lui, pas d’imaginaire, pas d’appel d’air. Surtout pas lorsque les paysages sont filmés comme s’ils étaient fabuleux – Bond se plante devant et les regarde en nous montrant son dos, point. On reste dans les limites du cadre. A l’intérieur de ces limites, à nouveau peu de choses. La ville semble belle, mais elle ne l’est pas, elle décore (on pourra voir le panoramique le plus absurde de l’année sur une tour de Shanghai). C’est dommage car il semble que cette circulation de l’énergie à la surface du globe pourrait être un des points forts des James Bond : richesses ostentatoires, tourbillons de pur luxe, excédents d’énergie chez des personnages hors du commun, toute cette part maudite un peu vaine et en même temps obscure et sauvage que prenait en charge Daniel Craig dans Casino Royale. Sam Mendes, cinéaste de l’insipide, ramène cette possible ébullition au niveau publicitaire, c’est-à-dire là où il n’y a pas une once de tension.bub

Marc Urumi

bub

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Skyfall de Sam Mendes (Etats-Unis, Royaume-Uni ; 2h23)

Date de sortie : 26 octobre 2012

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