SOLSTAFIR
Endless Twilight of Codependent Love

Le nouvel album de Sólstafir se laisse aborder sans difficultés. Le territoire semble familier et les chemins pour découvrir ces paysages musicaux de glace et de feu bien balisés. Il n’y aurait alors pas grand chose à en dire, sinon que la formation Islandaise excelle une nouvelle fois dans le pré-carré qu’ils ont pris soin de délimiter il y a une dizaine d’années déjà, depuis le virage pris avec Svartir Sandar en 2011, et le « tube » (un comble pour un morceau post rock et progressif de plus de six minutes) « Fjara ». Soit, donc pourquoi évoquer un groupe qui continue d’exploiter le même filon avec bonheur ? L’album Ottà (2014) n’a-t-il pas marqué une sorte de sommet, allant trifouiller dans les désarrois et les vagues à l’âme avec une facilité déconcertante, laissant bien des auditeurs chancelants, épuisés, échoués sur la grève, comme vomis par une marée aussi âpre que mélodique ?

Si le début de Endless Twilight of Codependent Love semble conduire tout droit vers une nouvelle reproduction d’un effort passé, ce n’est que tromperie. Car tout à coup, le voyageur sort de ses pensées et s’aperçoit qu’il ne reconnaît plus le chemin. Perdu sur une lande désolée, prisonnier une nouvelle fois de riffs absolument lumineux, voici que des tonalités nouvelles, bluesy par exemple, ou anciennes, avec un retour au black metal rugueux des origines (avant 2011 donc), se dévoilent avec pudeur. La bande à Tryggvason parvient non seulement à retrouver les ingrédients de ses réussites précédentes mais propose une continuité, s’enfonçant de plus en plus loin, par le truchement d’allégories paysagères dont l’Islande regorge, dans la contemplation des maux qui rongent cette île de manière quasi-endémique (dépression, suicide, alcoolisme). Ainsi l’artwork est une allégorie de l’Islande (Johann Baptist Zwecker, « The Lady of the Mountain », 1864) dont la ressemblance avec celui de l’album culte des Smashing Pumpkins Mellon Collie and the Infinite Sadness permet au groupe un clin d’œil appuyé. Les voici donc fidèles à leur son, à leurs obsessions et à leurs influences tout s’attachant à brouiller les pistes, tantôt en modifiant leur production, tantôt en cassant toute cette construction pour quelque-chose de beaucoup plus brutal et instinctif.

Sans aucun doute, Sólstafir, par son attitude résolument singulière, agaçante (parfois arrogante, comme au Hellfest où Tryggvason réclame les vivats du public pour monter sur scène) ou admirable (pour être cohérent avec leur discours sur les addictions, le groupe devient collectivement sobre en 2013), et par la richesse d’une œuvre à appréhender comme un tout, fait partie des institutions internationales que ce bout de terre de  trois cent mille âmes parvient à faire émerger, à l’instar des mastodontes Sigur Ros, Bjork et consort.

François Armand

Sólstafir / Endless Twilight of Codependent Love (Islande | 6 novembre 2020)

 

 

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