Les musiciens de La Caravane passe inoculent un peu de chaos par le seul fait d’instruments rares et venus d’ailleurs ou de chansons empruntant à des traditions en voie de disparition (chants de mariage d’ex-Yougoslavie par exemple), devenant un objet protéiforme s’inscrivant dans les contours d’une musique qu’on appela jadis world music. Entre un imaginaire fait de veillées au pied d’une roulotte, la modernité du phrasé parfois rappé et voyages sonores par procuration, Nomadic spirit fournit une entêtante bouffée d’air frais.
Car lorsque La Caravane passe et entre en ville, derrière elle un flot d’images se succèdent, fantasmées et poétiques. « Valse manouche » (un des bien-nommés morceaux de l’album), mélodies d’Orient et d’ailleurs ou textes bondissant de mots en mots avec espièglerie sont autant de sorts capables de transformer l’honnête badaud, prudent et raisonnable, en aventurier menant la vie de bohème, baluchon sur le dos, jeté à travers les grands chemins, enfant de la pluie et du vent. Cependant, ce qui caractérise cette sorcellerie, c’est son absence de morale. En effet, si certains choisissent l’errance comme mode de vie ou rêvent de caravanes mythiques rejoignant des oasis miraculeux perdus dans les déserts, d’autres sont condamnés à l’exil et fuient le malheur.
Dans notre société où la sédentarité est une norme puissante, sans ostensiblement faire de politique et sans aucune revendication particulière, célébrer le nomadisme constitue déjà en soit un sacré pas de côté.
François Armand
La caravane passe / nomadic spirit (France | 28 août 2020)