LADYTRON
ladytron

Il y a toujours eu une belle symétrie entre les voix et la musique dans Ladytron. Le duo Helen Marnie /Mira Aroyo et les machines d’une techno-pop industrielle se côtoient jusqu’à déteindre les uns sur les autres : les instruments, synthétiseurs analogiques ou numériques, apparemment rigides, s’humanisent au contact des voix soyeuses, mais volontairement limitées dans leur expressivité, des deux chanteuses. La formule est si singulière que, huit ans après la sortie de leur dernier album studio (Gravity the Seducer), Ladytron affiche un visage toujours aussi futuriste.

Marnie et Aroyo pourraient être de charmantes androïdes : il suffit de les écouter entonner en chœur « tomorrow is another day » pour se projeter dans n’importe quelle fiction dystopique où les robots auraient pris le contrôle. Et les nappes de bruit (guitares ? claviers ? purs effets de MAO ?) admirablement construites sur « The mountain » qui accompagnent un chant transparent et lancinant, presque spatial, laissent pourtant entrevoir les humains qui les ont manipulées. Il faut dire que les dix titres qui ont précédé ces deux morceaux plus légers, en formes d’aurevoirs aussi glaçants que séduisants, sont à l’unisson : les synthétiseurs auront tout fait pour montrer leur cœur, et les femmes, cacher le leur. Ladytron a toujours aimé placer au sein de ses mélodies un certain anachronisme sonique, celui de ces claviers aux sons d’usine sur lesquels on jouait encore dans les années 80-90,  lorsque l’électronique et tous ses procédés (filtres, granulateur, pitchs, autotune) n’avaient pas encore pris totalement le pouvoir, que les couches d’effets (delay, phaser etc.) ne s’accumulaient pas pour dénaturer le son d’origine jusqu’à ne plus le reconnaître.

On entend donc dans Ladytron des arpeggios sans fard, des basses craspecs un peu hors d’âge, des sons d’orgue synthétiques vieillots, qu’on imagine encore joués et conçus par des mains et un cerveau, et non entièrement commandées par des manipulations informatiques ou autres algorythmes. La frontière étant souvent mince chez le quatuor entre beat et  batterie acoustique, la sensation d’écouter un groupe jouer, et non un ordinateur aligner des notes les unes après les autres, sans faille et sans âme, est prédominante. Mais ce serait alors un groupe d’humains minoritaires qui s’acharneraient à défendre leurs sentiments les plus basiques face à un pouvoir déshumanisé, contrôlé par les machines. Dans Ladytron, les sentiments basiques (colère, fierté, nostalgie…) s’enroulent autour de titres dont la raideur n’a d’égal que leur pouvoir d’ensorcellement. Human after all.

François Corda

Ladytron / ladytron (Angleterre | 15 février 2019)

 

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