THE NIGHTINGALE
Jennifer Kent

EnterreThe Nightingale est l’exemple typique du film qui masque ses (nombreuses) carences derrière des aspirations de chef d’oeuvre. Le deuxième long de Jennifer Kent se rêve en grande fresque historique féministe et trash mais à force de se vautrer dans la morbidité factice, The Nightingale se recroqueville peu à peu sur un tout petit motif narratif (ni plus ni moins une course-poursuite sans le sou finalement) et l’ampleur promise ne devient vite qu’un souvenir vaporeux.

Les détracteurs de la violence au cinéma évoquent souvent cette fameuse « violence gratuite », concept fourre-tout qui signifie tout et rien. Mais dans le cas de The Nightingale, la formule est consacrée. Car la violence que nous exhibe Jennifer Kent n’a aucune contrepartie artistique ou morale, elle n’a rien à donner en échange. Ce n’est pas une violence graphique, et le petit caprice arty du 4:3 n’y change rien : la mise en scène de Jennifer Kent est trop plate pour nous ébahir lorsque la mort s’invite à l’écran. Ce n’est pas non plus une violence dérangeante tant les situations, poussées à leur paroxysme dans un contexte qui se veut pourtant ultra réaliste, s’auto-annihilent systématiquement. Dans The Nightingale, on ne se fait pas violer, non, c’est trop peu pour émouvoir le chaland ; on se prend une tournante sous les yeux de son mari, avec bébé secoué en bonus. Chez Jennifer Kent, il faut apparemment que la souffrance (physique et psychologique) soit combinée et extrême pour être valide. Quant aux bourreaux, leur bête perversité est tellement obscène et égale quel que soit l’individu qu’elle en devient aberrante. A force de pousser tous les curseurs à fond, Jennifer Kent perd le contrôle et la dynamique des horreurs qu’elle exhibe. Ce n’est plus que dolorisme et mortification de façade.

The Nightingale est au cinéma de genre ce que la loudness war était à la musique rock au début des années 2000 : tous les instruments sont poussés à fond de volume, tout se vaut, rien ne se vaut. Dans le film de Jennifer Kent cela conduit à une fuite de tous les enjeux : plus de dilemme moral, plus d’échelle de valeur (méchants trop méchants et trop cons, victimes outragées de façon outrancière, ayant par conséquent tous les droits aux yeux du spectateur), violence désincarnée et finalement plus grotesque que nauséabonde. The Nightingale serait un film moins prétentieux, il serait simplement insipide. En l’état c’est surtout une oeuvre désagréable, mais certainement pas au sens où Jennifer Kent l’aurait sans doute souhaité, c’est-à-dire dérangeante et pugnace.

François Corda

| 9 mars 2021 | Australie


 

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