« Zanka Contact », vrai faux tube rock du film, traduit le fracas du métal broyant une mâchoire, les coups de pied dans le bas-ventre d’un tabassage en règle dans une rue mal éclairée, entre quelques flaques de pisse et trahit une des intentions de l’auteur. Traduire l’énergie du rock au cinéma, voilà qui n’est pas sans danger. En effet la tentation du clip reste bien présente, rôdant dans une proximité parfois sous-estimée. Heureusement, ce sont d’autres chemins qu’emprunte ce long-métrage ô combien généreux. Le réalisateur, Ismaël El Iraki, prend tous les risques en définissant son film comme un western et en lorgnant de manière appuyée chez Tarantino. Il ne cesse de rechercher une sorte de Saint Graal du cinéma, multipliant les plans iconiques et recherchant une absolue fraîcheur dans le jeu des acteurs.
Tambour battant, ou plutôt guitare hurlante, ce courageux réalisateur se lance dans une sorte de quête spirituelle insensée d’un art salvateur, révélant au passage le potentiel cinématographique du continent Africain. A l’image de protagonistes tellement meurtris et malmenés, El Iraki entrevoit un passage pour traverser tous les déserts, lequel serait la création. Si le rock est le salut de Rajae et Larsen (Khansa Batma et Ahmed Hammoud, tous deux formidables), le cinéma l’est pour lui-même.
C’est cet appétit pour un cinéma total qui est à la fois la force et la faiblesse du film. Chaque plan est un hommage vibrant pour ces films pétris d’ironie mettant à distance la réalité, un sourire aux lèvres, et au rock (voire au metal) dans les bas-fonds de Casablanca. En quelque sorte, la création serait un système de défense du corps humain. Deux trajectoires maudites se télescopent sur une blague. L’une est prostituée, l’autre une ex-star du rock fauchée autant que camée. Les voilà assujetties et misérables, prisonniers des ruelles, des bars miteux et des bouges de Casa. A ce moment, la grammaire du film ne présente aucune perspective, traduisant bien l’enfermement des personnages par des cadres toujours obstrués. Le confinement est bien sûr physique, mais aussi psychologique, puisque les protagonistes restent engoncés dans leurs traumas. Pour se sauver, ils devront s’évader et en accepter le prix.
En plein procès des attentats du 13 novembre, il est impossible de ne pas lire le film comme une véritable catharsis pour son auteur, lui-même survivant du Bataclan. Burning Casablanca, par bien des aspects, a la valeur d’un témoignage, comme celui des témoins à la barre de la cour de justice, sur l’irréparable, l’autodestruction et pourtant la survie.
François Armand
2h 00min | 3 novembre 2021 | France – Maroc – Belgique