STAR WARS VIII : LES DERNIERS JEDI
Rian Johnson

DeterreJ.J. Abrams semblait crispé comme pas permis par l’enjeu de Star Wars VII, faisant du (mauvais) neuf avec du vieux. Rian Johnson a décidé, lui, de casser dans la joie et la bonne humeur les jouets qu’on lui a confiés pour mieux reconstruire, enfin, après dix sept années de vaches maigres, un mythe digne de ce nom.

Il pourrait sembler étonnant de vouloir défendre, sur ce site, un film qui va faire des millions d’entrées et pour lequel la critique se montre, une nouvelle fois, séduite. Mais que l’on jette un œil à sa réception par le public et le ton n’est pas le même : l’accueil est très frais en regard de l’opus précédent. Pourquoi ? On pourrait penser que l’irrévérence de Rian Johnson n’est pas du goût de tout le monde. Car que nous montre le réalisateur Américain ? Un papy ronchon, ancienne légende devenu anachorète, qui envoie valdinguer son ancienne fierté de chevalier comme une vulgaire babiole de brocante. Les textes séculaires du Jedi ? Autodafé par Yoda himself. Le nouveau masque flambant neuf du Vador en herbe ? Pulvérisé par un ado en colère. Cette alternance entre respect et moquerie (la scène impayable où Luke ridiculise Rey) a de quoi surprendre de prime abord, mais c’est finalement un immense soulagement. Quelqu’un a enfin osé uriner sur le sanctuaire !

Non content de cette petite prouesse, Johnson, l’air de rien, n’est pas tendre non plus avec ses personnages masculins, tous infantilisés à un moment ou à un autre, laissant place nette à Rey, première vraie héroïne active de la saga (Leia étant jusque là relayée à un rôle clairement subalterne). On pourrait taxer cela d’opportunisme dans une époque où l’égalité homme-femme devient, à juste titre, une problématique de premier ordre. Mais intégré à ce processus de destruction massive des idoles et de la mythologie Star Wars, où la gente féminine était jusqu’ici à peu près aussi bien représentée que chez Tintin, cela semble tout à fait justifié.

De ces brèches volontaires laissées dans un univers très codifié naissent, enfin, de vrais personnages avec un caractère et un statut assumé. Poe était lisse ; il se révèle en héros rebelle. Rey était (trop) discrète ; elle se réveille en sauveuse sans peur et sans reproche. Kylo Ren était pathétique ; il se montre déchiré entre monstruosité et fragilité. Et quels seconds rôles ! Benicio Del Toro est hilarant en vieille gueule cassée, rusé et prêt à tout, Mark Hamill à la fois désopilant et touchant, très loin de la prestation fantomatique d’un Harisson Ford jamais en reste, depuis quelques années, dès qu’il s’agit de pourrir de l’intérieur tous les reboots des grands projets dans lesquels il a participé dans sa carrière (Blade Runner 2049 tout récemment, mais qu’on se souvienne aussi d’Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal).

Bien sûr, tout reste à faire et à prouver, tant Star Wars VIII apparaît comme – osons -, un « nouvel espoir », quarante ans tout juste après le quatrième épisode réalisé par George Lucas.  Mais les vieilles idoles disparaissent enfin, et rien que pour cela on peut dire merci à Rian Johnson. D’autant plus que, au scénario et à la réalisation, ce dernier réussit à peu près tout ce qui compte pour accomplir un divertissement haut de gamme : rythme trépidant, humour au taquet, méchant bien hideux (même si trop numérique pour faire peur), duel au soleil couchant qui dépote. Drôle d’orgie un peu foutraque, très pop, et frôlant parfois le n’importe quoi (Leia dans l’espace, l’évasion de prison, Laura Dern et ses cheveux violets), Star Wars VIII : Les Derniers Jedi n’est pas sans rappeler, par sa décontraction, le mésestimé Jupiter : Le Destin de l’univers des Wachoswki. qui était parvenu, bon an mal an, à raviver la flamme d’un space opera tombé en totale désuétude. A nos yeux, c’est une très bonne nouvelle.

François Corda

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Star Wars VIII : Les Derniers Jedi de Rian Johnson (Etats-Unis ; 2h32)

Date de sortie : 13 décembre 2017

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08/20

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