MON NINJA ET MOI
Anders Matthesen & Thorbjørn Christoffersen

DeterreMon ninja et moi est une histoire somme toute assez classique dans son concept, à savoir un conte traditionnel où l’enfant passerait un pacte avec la bonne fée. Ca tombe bien, car le film vient du Danemark, le pays d’Andersen. Habituellement le conte se fait métaphorique, prend les gants du merveilleux pour distiller ses messages, utilise la morale pour prévenir les minots des épreuves qui jalonneront son existence, là où Mon ninja et moi choisit la frontalité.

La première scène détruit d’emblée le cliché sur la Thaïlande comme destination touristique. Le premier plan s’ouvre sur une plage de rêve, mais ce n’est qu’une image publicitaire : derrière le décor de rêve se cachent bidonvilles et usines dans lesquels travaillent des enfants qui fabriquent des jouets destinés à d’autres enfants… qui pourraient ressembler comme deux gouttes d’eau au spectateur visé par le dit conte. La vie des petits travailleurs n’a aucune valeur et le visage du mal est celui d’un type blond et occidental, donc à travers lui – et voilà qui est nouveau dans ce type de fiction – celui d’un capitalisme mondialisé.

L’habituelle marâtre est ici suppléé par un beau-père un peu ballot, favorisant évidemment son rejeton pourri-gâté, lequel tyrannise l’enfant comme il se doit. La maman représente une sorte d’archétype d’une mère modèle soumise aux injonctions contemporaines : nourriture saine et bio, huiles essentielles et méditation au menu. Persuadée des bienfaits qu’elle prodigue, elle demeure logiquement aveugle aux injustices qui surviennent sous son propre toit. C’est finalement l’être le moins politiquement correct, le tonton marrant alcoolo, qui va s’avérer le plus bienveillant. Quant à la bonne fée, il s’agit d’un esprit manipulateur habitant un ninja-doudou de pacotille et dont la relation avec le petit garçon s’avère complexe. En fait, c’est même la source principale des conflits qui jalonneront le film. Le conte cède alors peu à peu à la fiction initiatique, et si le ninja est une allégorie (en dehors de sa propre légende), c’est celle d’une pensée critique. Le conflit entre le ninja et le garçon constitue une formidable mise à l’épreuve d’un socle de valeurs.

Mon ninja et moi est un plaidoyer pour ne pas se résigner aux réponses toutes faites. Du type de celles qui justifient tout acte immoral en affirmant que « si ce n’est pas moi qui le fait, quelqu’un d’autre s’en chargera », Lorsque le cinéma Hollywoodien montre des « supers » clairement différents du commun des mortels, permettant de reporter les éventuelles attentes du spectateur sur un être, mutant, extraterrestre ou héritier d’un empire industriel, très loin de ce qu’il est, les réalisateurs Anders Matthesen et Thorbjørn Christoffersen préfèrent quant à eux pointer leur doigt vers la salle, invitant un jeune public confronté à un alter-ego sympathique à ne pas déléguer ses combats. Le ninja Nakamura agit comme un catalyseur pour transformer n’importe quel ado boutonneux en un véritable titan en collants fluo.

François Armand

1h 21min | 15 juillet 2020 | Danemark

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