MARCEL ET SON ORCHESTRE
interview

Revue Au cœur de l’hiver, les parisiens profitent pourtant d’un grand soleil, sirotant leur café sur des terrasses chauffées. En sort un sentiment d’étrangeté, entre un parfum de printemps et la conscience que quelque-chose cloche, parfait pour engager la discussion avec ce cher Marcel, c’est-à-dire Franck (dit Mouloud, chant) et Pierrick (dit Bidingue, clavier). Quelques semaines plus tard (le 22 février), ils reviendront dans la capitale pour une fête, que l’on promet évidemment homérique, à l’Olympia. Lucides et résolus, les sujets ne manquent pas avec eux : musique, politique et pantalon léopard au menu !

François Armand : en 2006 je vous avais vu au Solidays, entre deux morceaux vous aviez fait une intervention sur « l’achat de la contestation », ce que l’on fait quand on participe à ce genre d’événement, tout en rappelant l’importance de l’engagement concret et du travail des bénévoles. Aujourd’hui j’ai le sentiment que même ça, le fait d’aller en concert juste pour « lever le poing », ça n’existe plus. Est-ce que c’est une impression que vous partagez ?

Pierrick : Ca dépend des festoches déjà. Effectivement il y a des grosses machines comme le Main Square, tous ces trucs, c’est pas pareil que les petits festoches associatifs. C’est peut-être plus ça pour lever le poing. On sent beaucoup plus l’influence des bénévoles parce qu’ils ont peu de moyens. Les grosses machines, c’est beaucoup plus commercial. Généralement ce sont des banques ou des multinationales qui les financent, qui les chapeautent.

Franck : Ce qui est compliqué c’est qu’elle a bon dos la sécurité. Après Furiani, les attentats et compagnie, ont été générées plein de choses qui font les choux gras des grands groupes. Après Furiani, ils ont dit que dorénavant, pour éviter les mouvements de foule, il y aurait tel type de barrièrage, tel type de scène, etc. Ça veut dire que le festival indépendant ou le petit festival voyait son budget sécurité, encadrement, sécurisation du site, multiplié par deux. Après les attentats, le budget sécurité a été multiplié par trois ou quatre aussi. Ils exigeaient plein de trucs : des portiques, des machins, etc. Les seuls qui peuvent tenir le truc, ce sont les très gros groupes qui ont les moyens. Alors après, ils se retrouvent avec des artistes mainstreams. Ils ont multiplié les budgets, donc ils doivent avoir des jauges plus conséquentes, il leur faut 15 ou 20 000 spectateurs pour rentrer dans leurs frais. Ils se disent voilà ça va jouer quatre ou cinq heures, il faut quatre groupes dont le nom soit en capacité d’attirer chacun 5000 personnes. C’est souvent des groupes bien plus consensuels quoi. Et puis je crois qu’effectivement il y a quelque chose dans la contestation qui s’est éteint. On est plus dans du sociétal aujourd’hui plus que dans du social. On va faire tout un pataquès sur le genre ou des choses comme ça, et à côté de ça, on ne se pose plus la question du mal-vivre. Peut-être qu’effectivement, la contestation est quelque-chose qui s’éteint un peu dans une bonne partie de la musique.

P. : Ça fonctionne comme ça dans les festivals. Il y a une loi qui est sortie qui dit qu’en fonction de ton événement, il faut que t’embauches tant de policiers et ça, c’est le préfet qui décide. Donc ça a un prix. Et c’est un outil de censure parce que si un festival est un peu gênant dans une région, le préfet dit : « il vous faut tant de policiers ça vous coûtera tant ». Ah ben on peut pas, cette année pas d’édition. Comme par hasard, ça arrive plus souvent à des festivals où y a des artistes contestataires que ceux où y a des artistes qui parlent d’eux avec des chansons assez lisses, assez propres, qui dérangent personne…

F. : Nous on vient de l’alterno. Ce que je trouve délirant, c’est qu’à une époque, les groupes se battaient pour les concerts de soutien. Là, sur la réforme des retraites, ou avant sur les lois travail, il y a eu combien de semaines de mobilisation ? J’ai pas vu beaucoup de concerts de soutien. C’est assez révélateur du climat. A un moment, les artistes, il serait peut-être temps que vous vous sortiez les doigts du cul. Ils vont se mobiliser quand leur statut d’intermittent sera menacé, mais en attendant ils sont indifférents à la souffrance commune. Ce n’est pas propre.

F.A. : La contestation dans la musique, je l’entends davantage sur la scène metal. Au début des années 2000, il y a avait pléthore de groupes festifs, marrants. Aujourd’hui, ça s’est durci, ça braille plus, non ?

F. : Moi j’aime bien charrier les copains du metal. On a longtemps répété au LBlab. Le LBlab, c’était le Loudblast studio quoi. Il y avait les No Flags, les Black Bomb A, j’aimais bien les charrier en leur disant « c’est pas parce que vous gueulez fort que vous avez des choses à dire ». Mais en tout cas c’est vrai que quand j’ai vu se repointer No one ou Trust, je trouve qu’ils en ont encore sous le pied les mecs. Quand je vois tous les problèmes en Iran aujourd’hui, je repense à un texte de Trust « M. Comédie » qui était absolument remarquable. « Derrière le vieux croyant se terrait le tortionnaire ». Là tu parles d’une époque que les moins de trente ans n’ont pas connue ! Mais c’est vrai que j’aimerais retrouver un désir de contestation et une soif de justice sociale dans les différentes scènes. La scène festive on l’a eue parce que c’était une scène alterno avec le do it yourself et compagnie. Après ce qu’il a subsisté de la scène festive, si c’était que la déconne, ça n’avait pas d’intérêt.

F.A. : C’était tout un mouvement non ? Il y avait les Hurlements d’Léo, les Têtes Raides, Babylon Circus, Ruda Salska… Dix mecs sur scène, une section cuivre…

F. : Oui, avec le sens du collectif. Aujourd’hui, il y a des groupes de un ! (rires) Ils ont plus d’éclairagistes que de musiciens.

F.A. : On vous avait laissé il y a une dizaine d’années dans un contexte douloureux, avec notamment un décès dans le groupe, un dernier album avec une pochette qui n’était pour une fois pas un dessin. Vous étiez en photo en costard, manière de dire que la fête était finie.

P. : Ah tiens tu vois ça comme ça.

F. : Tu peux l’interpréter comme ça (rires).

F.A. : Et donc aujourd’hui, quel est le carburant pour repartir dans le camion ?

P. : Les gens qui viennent nous voir. Ca a toujours été ça, c’est pas nouveau. L’échange entre la scène et la salle, l’espèce de communion. La grosse fête, c’est ça le carburant. On a tous repris des vies à côté. Un travail normal, une vie normale. C’est quelque-chose qu’on fait en plus, du temps qu’on se donne.

F. : Bidingue (surnom de Pierrick) fait du clavier, normalement il est assis. Il fait des mariages par exemple. Avec Marcel il saute pendant une heure et demie.

F.A. : Effectivement quand on a connu des communions énormes, ça doit être difficile de revenir à une vie normale…

F. : Mais t’as raison sur le mot communion, je trouve ça bien. Avec Marcel, on n’a jamais voulu que ce soit la scène réservée aux artistes et le public spectateur. On n’a pas le répertoire du carnaval au sens où il n’y a pas de chansons à boire ou de chansons grivoises, mais on en a tous les codes. Le carnaval, c’est un exutoire. C’est le moment de l’année où tu vas rire de l’autorité, de l’institution, de la religion, où tonton va se déguiser en tata… C’est surtout le moment où tu sors du cadre. Mais sortir du cadre à tous points de vue, aussi bien pour les gens qui se disent « ce soir c’est permis, je vais pouvoir me lâcher » mais aussi dans nos codes. Si on s’est appelé Marcel et son orchestre, ce n’est pas anodin. On a cherché à prendre le nom le plus ballochard possible pour dire «  méfiez-vous des apparences ». On était en réaction avec la scène pas encore metal à l’époque, mais plutôt hard-rock…

F.A. : Ou punk-rock…

F. : Ouais punk. A croire que si tu faisais un groupe punk, si tu disais pas « camisole » « contrôle mental » et « contrôle policier », tu ne pouvais pas avoir le certificat d’aptitude punk. Quand tu faisais un groupe reggae, si tu disais pas « Yes I » « Haile Selassie » « Babylon » ou autre… Idem dans le metal avec les attitudes à celui qui joue le plus fort, le plus méchant…

P. : Dans la pop, le côté « j’en ai marre de la vie ».

F. : Dans la pop, c’est la même chose, t’avais l’impression qu’il fallait s’inoculer la tuberculose pour pouvoir faire de la pop. Il y avait donc quelque-chose de très caricatural qu’on voulait dénoncer. C’était rigolo de prendre le côté « baltringue », Marcel quoi, pour ça. Je pense que le public a bien compris. Surtout, quelles que soient les scènes, les mecs prétendent gueuler contre les beaufs, mais ils amènent les mêmes schémas de virilité. C’est-à-dire que la virilité, c’est celui qui a survécu à dix overdoses, celui qui a niqué dix gonzesses dans la nuit…

P. : Beaucoup de narcissisme…

F. : Oui, les concours de grosses quéquettes, ça se touche le manche, bref. T’as envie de dire : « arrêtez, j’ai toujours détesté Joe Satriani ! ». Moi je trouve que le plus grand des rockers, c’était Little Richard. Je ne sais pas si on a atteint à un moment son niveau d’intensité.

P. : Y a une générosité. Un spectacle se doit d’être généreux. Tu ne montres pas un beau truc sur une scène, limite derrière une vitrine, pour que tout le monde admire. Il faut que tu transmettes quelque-chose, que de l’autre côté on te renvoie un autre truc, tu le transformes en autre chose. Enfin un vrai échange quoi.

F. : Je vais être méchant exprès pour emmerder le monde. Je suis fan du rock’n’roll des origines. C’est une construction que je comprends très bien. Ce côté un peu teigneux… Arrête de me casser les couilles quoi. Tu sens qu’il y a un agacement, une irritation. « Tu commences à me gonfler ». A un moment ça dégaine. Le sentiment est très clair. J’ai du mal à comprendre une excitation ou une colère qui soit dès le départ dans le rouge, et qui reste. Quelqu’un qui me gueule dessus, au bout de trente secondes, j’ai envie de péter de rire. Et surtout ça devient une musique de matheux.

P. : Ca l’a toujours été. Le metal a toujours été une musique de virtuoses. Il faut que sente l’humain, que ça flotte un peu.

F. : Voilà, c’est du brin votre truc ! (rires)

F.A. : En écoutant Hits, Hits, Hits, Hourra, j’ai réalisé que je connaissais pas mal de morceaux, mais surtout par les concerts. Au-delà de ça, j’ai eu l’impression que c’était comme une visite au grenier, on retrouve des objets, on les dépoussière un peu. C’est ça la démarche ?

F. : T’as raison au sens où une compil c’est une commande en général. Une commande de maison de disques. Quand t’es musicien, au départ, ça n’a pas grand intérêt pour toi. On aurait tendance à les laisser se démerder. On commence à regarder un peu et on réalise qu’entre tous les morceaux, suivant les albums, ce sont pas les mêmes prod’, ça sonne tellement pas pareil. Donc c’est pas associable. Donc si on veut associer ça, comment on va faire ? Dans ce cas-là, il faut remixer. Là, ça commence à prendre un intérêt artistique. Si on doit remixer, il faut récupérer les bandes, il faut les numériser, en recuire certaines parce que ça fait trente ans qu’elles sont dans des boites. On a commencé à faire ça et on s’est aperçu qu’on avait des tonnes d’inédits. On ne s’en souvenait même pas. Donc on s’est dit c’est rigolo, on pourrait peut-être faire une première partie strictement compil avec les titres remixés, certains rechantés, et finalement la deuxième partie, ça pourrait être plein de titres inédits ou des versions alternatives. On s’est aperçu qu’on en avait 200 quoi. T’as de quoi faire trois ou quatre compils. Tu dis on redécouvre cette photo dans le grenier, ben nous y a des titres qu’on n’avait jamais entendus. On ne se souvenait absolument plus d’avoir fait une version do-wap de « Femme mûre » par exemple. Donc on a été très surpris. Surtout que je ne pense pas que dans le groupe il y ait des archivistes. On n’est pas le genre à regarder dans le rétro. Je ne pense même pas qu’il y en est un qui ait tous les albums.

F.A. : Ces morceaux, quand vous les réentendez des années plus tard, est-ce que vous avez du recul aujourd’hui par rapport à ce qu’ils disaient à l’époque ?

P. : C’est pas dit de la même façon parce qu’à l’époque il se passait d’autres choses, mais c’est clair que c’est toujours d’actualité et que c’est même amplifié aujourd’hui. Du coup ça prend peut-être un peu plus d’épaisseur. Ca ne reprend pas des exemples d’aujourd’hui, c’est beaucoup plus large, c’est beaucoup plus flou, ça peut s’adapter. C’est clair que le discours était déjà juste. Je peux le dire car je n’étais pas dans le groupe à l’époque !

F. : Si on prend « A qui cela profite » par exemple, que l’on a composé il y a 8 ou 9 ans, c’est la même ! A l’époque je pensais qu’on voulait nous précipiter dans un bipartisme à l’Américaine. Républicain / Démocrate quoi, tu vois, et marginaliser les autres formations politiques. Il y a le libéralisme extrême et le libéralisme qui se veut un tout petit peu social. En vérité non, c’est la pensée unique ou le fascisme. Cette fabrique du non-choix qui est juste absolument insupportable. Il faut voir comment la Macronie a marginalisé la France Insoumise etc. Il y a toujours eu une volonté de ridiculiser l’opposition, mais avec des armes qui étaient correctes. Là avec les épisodes récents (perquisitions, emplois fictifs), on a atteint en termes de discrédit un niveau jamais atteint auparavant. Et donc j’étais en-deçà de ce qu’ils sont capables de penser. De toute façon on a mis à la tête de l’Etat des gens qui n’ont pas la notion de l’État.

P. : Ils savent compter, c’est tout.

F. : C’est lamentable, et à côté de ça tu vois plein de mecs dire « il faut sauver la planète ». Les gars, pour sauver la planète, il faut mettre d’autres dirigeants à la tête de la planète. Il ne suffit pas d’avoir des indignations, il faut des mobilisations. Mobilisez-vous. Mais pas avec trois manifs. La mobilisation, c’est dans les urnes, la mobilisation, c’est dans les actes. A un moment donné, c’est s’engager pour reprendre possession de la flotte, de l’électricité etc, pour éviter que ces mecs marchandisent tout. A partir du moment où tu peux payer, tu peux faire chauffer toutes les terrasses du monde. C’est un scandale.

F.A. : Dans les années 80, 90, même 2000, il y avait de la déconne sur la politique, une critique politique, niveau musique, niveau média. Se dit-on que finalement ça allait ? Y a-t-il une part de nostalgie de cette époque ?

F. : C’est compliqué la question. Je pense aussi qu’on s’est fait embarquer dans un truc avec ce côté « blanc bonnet / bonnet blanc ». Tout se vaut. Non, tout ne se vaut pas. Le rock est aussi responsable de ça, à laisser entendre qu’il n’y en a pas un pour rattraper l’autre. A partir de là, quand tu commences à apporter du discrédit sur tout, qu’est-ce qu’il te reste ? Le cynisme ou l’indifférence. Ca ne peut pas être bon pour l’engagement. Tout ne se vaut pas, même si je peux détester la politique du PS et compagnie, évidemment ils n’ont rien de gauche, mais ce n’est pas le Rassemblement National. Ce n’est pas la même chose. Après, si on veut combattre le libéralisme, cette planète où l’on croit que tout s’achète et tout se vend, il y a des alternatives. Il y a des possibilités. Engagez-vous mais ne soyez pas juste cyniques. Si t’estimes que tel groupe n’est pas bon, fais un groupe et soit meilleur. Si t’estimes qu’un politique n’est pas bon, engage-toi en politique et soit meilleur. Le cynisme n’est pas la réponse, l’indifférence n’est pas la réponse. Je trouve que l’indifférence, c’est donner les coudées franches à nos adversaires. Pourquoi le FN est très fort : parce que plus personne ne vote. Il n’est pas plus fort en voix, il est plus fort parce qu’il y a moins en moins de personnes qui votent. Après tous les rockeurs vont dire : « La jeunesse emmerde le Front National ». Mais putain les mecs ! Pour ne plus devoir dire ça, faite en sorte de le voir disparaître ce putain de parti ! Ou de faire disparaître ces putains de libéraux. Tu ne peux pas commencer à mettre du discrédit sur tout et après te plaindre. J’ai du mal avec le dégoût, avec le rejet. Moi je suis désespérément optimiste (rires) !

F.A. : Musicalement, ce qui vous a construit à la base, c’est la variété française. Vous avez toutefois une compréhension de scènes plus alternatives qui est particulière. Quelle est votre approche ?

F. : Ça dépend qui dans le groupe. Marcel c’est un groupe où une bonne partie des membres écoute énormément de musique. Je pense que j’achète trois ou quatre disques par semaine. Je suis boulimique, peut-être que j’ai pas eu assez étant gamin. On a des choses qui réunissent les Marcel, c’est-à-dire si tu nous mets de la soul, du rythm’n blues…

P. : Du rock et tout ça.

F. : On sera client à jamais. Rock, reggae, plein de choses. Après le terme « variété » je l’aime bien parce que ça veut dire varié. Si je prends un artiste de variété que j’ai beaucoup écouté comme Pierre Vassiliu, c’est un artiste de world music ! Il a écouté de la bossa nova, il a écouté du reggae, plein de choses. Si je prends Joe Dassin, c’est tout le folk song Américain. Moi je ne colle pas d’étiquette. Ce n’est pas le style qui fait le rebelle. C’est le propos qui fait le rebelle. Tu crois qu’un mec est rebelle parce qu’il a un look extrême, un style extrême, en vérité il a moins d’idées que Tartempion. Je connais plein de metaleux qui mettent des pantoufles chez eux ! Mais c’est vrai que des artistes comme Pierre Perret, Henri Tachan ou Béranger, on a été biberonné à ça. C’était aussi toute cette culture de l’irrévérence. Il n’y a peut-être pas plus punk que lorsque Brel fait « Au suivant ». C’est pas une histoire d’étiquette. On s’est réuni autour de l’amour de l’irrévérence, donc plutôt l’esprit Charlie-Hebdo quoi. On adore le rock mais du fait du tempo et de la rapidité, on est obligé d’être dans une écriture du ressenti, avec peu de compléments circonstanciels. Très peu ont réussi à faire une écriture fleuve avec un rock’n’roll extrême. Peut-être Bernie de Trust a réussi ce truc-là. « Antisocial » est vraiment un texte construit, mais il n’y en a pas cinquante. Quand Noir Déz’ a voulu mettre du propos, ils ont du faire chuter les tempos. On est plus dans les Pixies, on est dans quelque chose un peu plus posé. La chanson ce serait du récit, et le rock du ressenti. Comment on marie ça ? Et donc nous aussi Marcel, on a chuté un peu les tempos pour faire rentrer les textes au chausse-pied. Les gens disent « ils se sont assagis ». Mais le propos ne s’est pas assagi. Il y a des musiques hyper molles, mais des textes qui sont des poings dans la gueule. « Le Déserteur » c’est un poing dans la gueule.

F.A. : Alors sur le propos justement. Est-ce que finalement on n’est pas plus efficace dans la réflexion avec des propos moins ostentatoires ? Exemple : entre le morceau « Blasphème » et « Les Vaches », qui a l’air débile comme ça, mais qui contient un sous-texte ?

F. : Je suis super d’accord avec toi. C’est difficile de trouver cette habileté. Gotlib disait « elle est énorme la prétention de faire rire ». C’est hyper difficile. « Blasphème » est un texte premier degré, j’en ai chié pour l’écrire. « Les Vaches », ce n’est pas moi qui l’ai écrit, je suis d’autant plus à l’aise pour en parler. Ce qui est hyper malin, c’est de se dire que finalement quand t’es en moyenne section ou en grande section de maternelle, on t’explique comment ça marche une vache. Elle mange de l’herbe, du foin et compagnie. Au moment où arrive l’histoire de la vache folle, tu t’aperçois que des soi-disant scientifiques ont pensé que la vache pouvait bouffer de la farine animale. Alors que c’est ta première leçon. C’est pour ça que c’est une comptine, « Les Vaches ». Revenir à la maternelle, à l’âge où on t’apprend tes premières comptines et dire : « t’as oublié ça ? T’as oublié tes premières leçons élémentaires ?». Comment a-t-on pu croire qu’une vache pouvait être omnivore ? Utiliser une comptine pour en parler, c’est une astuce que je trouve géniale. Si c’était moi qui l’avais fait je ne l’aurais pas dit. « Blasphème », on est dans de la provoc’. «  Du haut du minaret, je vois ta sœur à oualpé, n’aies pas le mauvais œil et viens te le rincer ». On est dans l’esprit gratte-poil Charlie. D’ailleurs Charb, les copains, ils adoraient.

François Armand

Marcel et son orchestre  / Hits, hits, hits, hourra !!! (France | 18 octobre 2019)

 

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