BLACK METAL
sélection automne 2019

Alors que le doux parfum du pourrissement de la nature s’accompagne de premiers frimas, le cœur déborde d’allégresse à l’idée d’une nouvelle fournée musicale aussi païenne que dépressive. Fond idéal pour accompagner la mélancolie résultant de l’observation triste d’une pluie morne s’écrasant piteusement contre les carreaux de la fenêtre, voici que l’extrême devient errance, doute et désarroi.

Au premier chef, MGLA s’est imposé ces dernières années comme une référence majeure du Black Metal tendance nouvelle vague, c’est-à-dire flirtant avec le post rock, et marque cette rentrée avec un savant étalage d’innombrables nuances de noir, allant du profond à l’abyssal. A l’image d’une intro tout à fait crispante à base de bruits de dents (oreilles sensibles s’abstenir), les riffs se succèdent comme autant de coups de pelle infligés à une condition humaine qui ne serait véritablement que souffrance. Ainsi conté, cette expression de  mal-être luit de mille-feux dans une véritable gangue de brutalité crasse. Les Polonais font encore la démonstration d’une sauvagerie terrifiante avec ce Age of Excuse et confirment leur pouvoir de destruction.

Blut Aus Nord nous rappelle que l’automne est aussi la saison des champignons. Dans une nouvelle galette garnie et illustrée par quelques fongicides géants, ce groupe singulier parvient encore une fois à infléchir leur style, beaucoup moins brutal, avec cette fois un mélange des plus étranges avec l’ajout shoegaze et rock psyché. Ajoutons à cela les traditionnelles psalmodies des chœurs d’hommes, hurlements diffus (sont-ils seulement réels ?) et des blasts plus vénéneux qu’il n’y parait, on obtient une mixture singulière, par certains aspects envoûtante, parfois presque douce, et surtout… perturbante. A coup sûr, on s’y connait en omelette chez Blut Aus Nord. Le piège vient d’une lisibilité accentuée des riffs et d’une approche progressive insidieuse. La recette proposée ici promet donc trip et extase, sans assurance aucune d’en ressortir indemne !

Toujours plus vers l’Ouest, c’est l’endroit où se finit la terre. Sous les algues vertes et la banalité des zones industrielles, un dieu antique sommeille depuis quelques millénaires. Peut-être est-il encore possible de croiser son chemin sous le couvert de quelque bosquet qui subsisterait dans les brumes ? Eclatant de lumière, son réveil est sonné par le groupe qui lui a pris son nom : Belenos ! Alors le brouillard épais s’écarte pour laisser place à d’impénétrables forêts, abritant bestiaire fantastique et sanctuaires certainement maudits. Ces fieffés bretons font ressurgir tout un imaginaire oublié et assument une vraie proximité avec une certaine idée du black metal (tendance pagan, à l’image de groupes comme Kampfar par exemple), dans la recherche d’un son finalement âpre et minimaliste, ainsi qu’un chant en langue bretonne. Argoat sonne sacrément épique et résonne comme le fantasme d’un monde merveilleux tapi à la lisière de nos existences grisâtres. Tremblez Romains ! Pas de sympathiques Gaulois moustachus ici, mais rugissements inhumains emplissant la forêt, malédictions et sacrifices !

Plus au sud mais toujours dans l’Hexagone, c’est Maïeutiste qui cherche, comme son nom lorgnant du côté de la méthode philosophique de questionnement socratique semble l’indiquer, et se perd dans une quête toujours plus inatteignable. En titrant l’album Veritas, les Lyonnais se lancent dans une tentative de définition d’une vérité, tentative qui serait bien vaine, c’est entendu. Etrange, malsain, parfaitement inquiétant, notamment par l’apport de cordes – dissonantes ou majestueuses – ou de cuivres en parfait contrepoint d’une brutalité toujours mesurée. Singulier et fluctuant, la musique de Maïeutiste semble virevolter, obnubilée par sa quête mais empêché par quelques rets invisibles, comme un papillon de nuit luttant contre une vitre derrière laquelle il y aurait une lumière intense. L’œuvre au finale devient aussi insaisissable et nébuleuse qu’une pensée qu’on peut déformer et repasser sous d’innombrables déclinaisons.

François Armand

MGLA / age of excuse  (Pologne | 2 septembre 2019)

Blut aus Nord / halucinogen  (France | 20 septembre 2019)

 

 

Belenos / argoat   (France | 20 septembre 2019)

Maïeutiste / veritas  (France | 4 octobre 2019)

 

 

 

 

 

 

 

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