FACE À LA NUIT
Wi-ding Ho

EnterreFace à la nuit souffre de la trop grande confiance que son réalisateur a placée dans un scénario démesurément ambitieux où il s’agirait de montrer que l’existence de son protagoniste se déroule autour de trois moments fondamentaux, ici joués en chronologie inversée. On  perçoit bien entendu tout le potentiel dramatique et mélancolique du procédé, l’inéluctabilité d’un destin tragique. Mais celui-ci se dilue dans des enjeux internes à trois courts métrages très indépendants qui devraient théoriquement en constituer un long. Et dans les faits, Wi-ding Ho échoue à rendre perméables les frontières entre chacune de ces trois nuits fondatrices.

Pourtant le réalisateur taïwanais intrigue au départ avec une étrange dystopie poisseuse, qui, dilatée, aurait sans doute pu constituer un thriller futuriste craspec et négativiste, à l’image d’un personnage buté et mutique, qui semble courir à sa perte en connaissance de cause. Mais en l’état, Face à la nuit ne cesse de courir après son sujet premier (en fait, la jalousie maladive d’un homme qui a fini par perdre toute humanité), en tentant de le justifier. C’est ainsi que Wi-ding Ho nous expose de façon sursignifiante les traumas séminaux de cette existence bouleversée au coeur des deux petits frères de ce premier (trop) court métrage encourageant. Si l’on doit reconnaître que chaque bout d’histoire fonctionne narrativement, ces trois tranches de vie n’ont rien ou presque en commun, seulement reliés entre elles par quelques indices un peu grossiers (le visage d’une jeune femme, un vol de scooter, une tache de naissance) censés convaincre le spectateur qu’il est bien face à un seul et même film.

Las, Face à la nuit, avec son pitch astucieux, gagne en clarté ce qu’il perd en mystère, et nous fait regretter que Wi-ding Ho n’ait pas préféré croire en un seul de ses protagonistes plutôt qu’en trois. Le défi était sans doute trop grand de vouloir faire ainsi coexister en à peine deux heures un polar SF, un drame familial et un récit d’apprentissage.

François Corda

| 10 juillet 2019 | Taïwan


 

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