BLACK METAL
sélection printemps 2019

Quel malheur pour l’amateur de black metal, voilà que le printemps pointe le bout de son nez, que le soleil reprend ses droits, que la nature sort de sa léthargie ! Colchique dans les prés et tout le tintouin, au Diable tout cela ! A défaut de froid polaire, voici donc quelques galettes forgées dans l’antre d’Héphaïstos qui permettront de prolonger un peu la douce déprime hivernale par l’appétit d’un feu prêt à délivrer son lot de lamentations.

Paradoxalement, bien loin des étendues glacées, des ruines de palais oubliées sont recouvertes par des dunes à perte de vue. Mystifier préfère dans Protogoni Mavri Magiki Dynasteia la chaleur du soleil Egyptien et ses inquiétants Dieux antiques au calme glacé des forêts arctiques. Le groupe Brésilien porte une production lourde et pleine de vice, comme si un serpent noir s’immisçait avec lenteur et insistance dans une atmosphère toujours pesante, chargée d’encens parfumant jusqu’à l’écœurement les salles obscures de quelque temple dédié au culte d’Aton. Des riffs envoûtants, vicieux, vénéneux comme la morsure d’un reptile, rythment à l’infini quelques cérémonies occultes en accompagnant Beelzeebubth, dont la voix grave suinte d’insanités profanes !

De l’autre côté de la méditerranée, les descendants d’une autre grande civilisation antique se dressent en patrons, contestant sans sourciller l’hégémonie des Norvégiens dans le royaume du noir metal. Rotting Christ, dont la réputation n’est plus à faire, s’était pourtant montré moins incisif sur ses dernières messes. Exception faite de quelques titres, dont l’excellente reprise dans un français impeccable du poème de Baudelaire « Les Litanies de Satan », le récent Rituals avait vite tendance à s’épuiser. Là, tout doute quant à un manque éventuel d’inspiration se trouve balayé dès le début de ce nouveau The Heretics avec une production florissante, débordante de chœurs, de ruptures, d’arpèges lancinants ou d’ambiances chaotiques. Toujours attaché à un style tout en puissance, une énergie créative s’est emparée des Grecs qui ont jeté dans les flammes les lauriers sur lesquels ils ont pu se reposer à un moment. Ils ne manquent pas de force pour fustiger une fois de plus les dogmes religieux conservateurs, avec colère et détermination. Contrairement au dernier brûlot de Behemoth (dont nous parlions dans ces pages cet hiver : lien), la haine est absente du propos de The Heretics et, si leur critique s’en prend directement à la religion catholique, c’est par le nom du groupe en premier lieu, car elle dépasse volontiers ce cadre pour se faire plus générale.

C’est à Paris que Pensées Nocturnes a posé son chapiteau, invitant le badaud à son Grand Guignol Orchestra. Timbré, malade, dissonant, bizarre, malsain… les qualificatifs ne manquent pas pour décrire cet ovni musical. Sur la piste, au milieu des clowns et des acrobates, l’orchestre joue un metal boursoufflé, altéré, contrefait par le jazz ou des airs incongrus d’accordéon, défait par une profusion de hurlements et de plaintes diverses. Face à cet étrange animal de foire, les sentiments se partagent entre répulsion face au monstre et compassion pour cet être touchant et grotesque. La fascination prend facilement le dessus, car la folie est palpable, il est possible de l’approcher et d’y sombrer à peu de frais le temps de quelques chansons.

Devant des flammes familières, on se trouve rassuré en sortant de ce cirque déviant par le classicisme de Vanum. Le feu sans âge (Ageless fire) que le groupe Américain célèbre voit son essence captée dans un instantané sonore. Les chemins utilisés pour y parvenir n’ont donc rien de surprenant : des mélodies vibrent comme autant de complaintes sur des blast beats sans fin, conférant ainsi profondeur, mélancolie et noirceur aux compositions. Les morceaux hypnotiques s’égrènent avec l’intensité d’une flamme à la vigueur inextinguible, comme pour témoigner de la puissance du brasier qui couve sous nos pieds et que la Terre vomit parfois. Vanum revendique un patrimoine musical old school (Bathory) dans lequel il s’inscrit et en arpente les recoins avec pour souci principal d’en faire un objet plus vivant et intense que jamais.

François Armand

Mystifier / protogoni mavri magiki dynasteia  (Brésil | 8 mars 2019)

Rotting Christ / the heretics  (Grèce | 15 février 2019)

 

 

Pensées Nocturnes / grand guignol orchestra   (France | 1er février 2019)

Vanum / ageless fire  (Etats-Unis | 15 février 2019)

 

 

 

 

 

 

 

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