BRUIT NOIR
II/III

Le premier album de Bruit Noir était une expérience sale, un voyage dans les souterrains de l’humanité, un crachat fétide envoyée à la face du monde. De ce point de vue, les interludes sur II/III, sortes de micro-Pensées de Pascal enregistrées dans le métro, sonnent de façon tout à fait naturelle.

Car oui, Bruit Noir pue comme un couloir de métro. Mais Bruit Noir pue surtout le dégoût de soi et des autres : tellement que c’en est souvent drôle. Avec II/III le duo Bouaziz/Pires remet le couvert, en plus cynique (moins de chansons que d’interludes, foutage de gueule assumé), et en moins bien peut-être, comme le dit le chanteur lui-même. Mais moins bien comme Terminator 2, pour citer Bouaziz lui-même. C’est à dire la surprise en moins, le brio en plus. Et Bruit Noir l’a, le brio. Poussant la provoc’ jusqu’au point Godwin (« Des collabos »), alignant les name dropping de cultureux avec insolence, crachant sur la tombe d’un mort (pauvre Daniel Darc, qui, pourtant, sentait lui aussi le métro, à sa manière). Rien n’arrête l’irrévérence d’un Pascal Bouaziz aussi prétentieux que dépressif, qui s’autofatigue sans parvenir à nous épuiser, nous, le public qui en redemandons, de cette dégueulasserie salvatrice. Nonobstant, une émotion pure émerge ici et là, lorsque Pascal « Brutal » Bouaziz baisse le masque et la garde, pudiquement (« Romy », « Les animaux sauvages », « Partir »).

Mais si Bruit Noir est incarné par la voix et les textes de Bouaziz, il ne faudrait surtout pas oublier son éminence grise, Jean-Michel Pires. Rendons grâce aux textures sublimes de ce batteur multitâches (« Romy », « 1967 », « Les animaux sauvages »), aux longs tunnels sonores desquels surgissent des riffs qu’on croirait tirés de Faith ou Desintegration des Cure, joués au ralenti (« Le succès », « L’Europe »), aux rythmiques tout droit sorties des machines fatiguées d’une usine fumante (« Paris », « Des Collabos »).

La suite et fin, III/III, on la connaît tous non ? Oui, Bruit Noir va mettre la misère aux banlieusards. Et ce sera affreux, sale et méchant (« ça, ça va comme référence ? »), n’en doutons pas.

François Corda

Bruit Noir / II/III (France | 1er Février 2019)

 

 

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