BUMBLEBEE
travis knight

DeterreSous ses airs inoffensifs, Bumblebee, à l’image d’ailleurs de cette sympathique coccinelle se transformant en un terrible robot, a une portée surement plus importante que celle d’un film de pur divertissement. Malheureusement pas par la qualité de sa réalisation, Bumblebee étant commis par obscur faiseur dans le giron d’un Michael Bay dont on sent la patte à chaque seconde. Mais c’est bien plutôt le contenu politique qui interpelle ici, celui d’une Amérique paranoïaque et farouchement attachée à ses valeurs, entre libéralisme et puritanisme. 

Des valeurs qui se trouvent défendues ici par l’agent Burns, interprété par la gueule carrée d’un John Cena qui n’est pas sans rappeler les héros américains traditionnels des blockbusters des années 80 et 90, Chuck Norris, Schwarzenegger et Stallone en tête (il est par ailleurs amusant de noter que cet ex-catcheur a vu ses exploits sur le ring bien souvent organisés par Donald Trump dans ses nombreux casinos). La nostalgie dans Bumblebee voit double : il s’agit d’abord de la nostalgie du bon vieux temps Reaganien d’abord, dans lequel la complexité n’entache jamais un manichéisme à tout épreuve, et puis celle d’une époque où la bagnole était reine ensuite, synonyme de liberté et passage obligé d’un épanouissement personnel, sans que l’once d’une mauvaise conscience écologique ne vienne perturber le culte voué à ce symbole.

Quand des robots agressifs débarquent sur Terre, entraînant avec eux le conflit militaire ad hoc, les autorités – conseillées par l’éternelle figure du ponte scientifique, comme toujours obsédé par sa soif de découverte –  font le choix de la diplomatie et de la connaissance au contact de ces puissants extraterrestres. Et ce contre l’avis de l’agent Burns, qui, bien entendu, préfère tirer d’abord et réfléchir ensuite. Evidemment, l’avenir lui donnera raison : dans le pays de Cena on ne négocie pas avec les étrangers. Exit le petit scientifique donc. Dans une ère où le réchauffement climatique est remis en cause jusqu’au sommet de l’Etat, il est autorisé d’ y voir autre chose qu’une coïncidence… L’Amérique de Bumblebee ne se pose donc plus la question de savoir qui est bon ou mauvais, elle tire sur ce qu’elle ne comprend pas. A l’instar de sa politique étrangère initiée sous Obama, l’armée souhaite se désengager dès que possible des conflits qui l’atteignent ; et le réalisateur Travis Knight s’en remet dans cette droite ligne aux enfants pour comprendre les enjeux, puis agir (thème cher à Spielberg, producteur exécutif du projet).

A naviguer ainsi entre deux tonalités (bastons et explosions à gogo, thématique très eighties de la sortie de l’enfance), Bumblebee s’effrite, hésite entre un Amour de Coccinelle, Christine version rock et les codes de Transformers. Si le personnage intéressant, mais aussi plus archétypal, de la jeune Charlie, qui cherche à quitter un équilibre inconfortable au début, pour être ensuite happé par la grâce de sa rencontre avec le robot dans un nouveau monde (celui de l’expression de ses émotions par la musique) séduit, Bumblebee se fait malgré tout vite rattraper par son cahier des charges Hollywoodien exigeant ces combats titanesques, prétextes à un déluge d’effets et à un montage sous stéroïdes.

Tous deux producteurs exécutifs du film, le film semble vouloir faire dialoguer les cinémas de Bay (les robots et ses fameux effets, épuisants à la longue) et de Spielberg (son attachement à l’enfance et à la découverte de l’autre) mais, de toute évidence ces deux cinémas là n’ont pas grand-chose à se (nous) dire. Les robots les plus balourds, dans cette histoire, ne sont pas forcément ceux qu’on pense : ses créateurs sont de toute évidence bien trop préoccupés par la rentabilité d’une nostalgie un peu nauséabonde, échouant à mélanger deux recettes éprouvées dans le but de parvenir à insuffler une âme à une franchise dont la vocation reste de vendre des jouets.

François Armand

1h 54min | 26 décembre 2018 | Etats-Unis

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