UPGRADE
Leigh Whannell

On aurait pu bouder le deuxième long métrage de Leigh Whannell sous le seul prétexte qu’il est le complice (scénariste, producteur) de James Wan, qui tient aujourd’hui le monopole d’un cinéma d’horreur à la papa, sans aucune autre ambition que de faire sursauter ses spectateurs avec de vieilles recettes (Leigh Whannell a d’ailleurs démarré sa carrière de réalisateur/scénariste en assurant Insidious : Chapitre 3, une série initiée par… James Wan). Mais en s’attaquant à un autre pan du cinéma de genre, la science-fiction, le réalisateur Australien prend un envol inattendu.

Dès le départ, Upgade prend à bras le corps les déviances de notre temps, comme toute bonne dystopie qui se respecte : ultra sécuritarisme, essais cachés dans l’armement et robotisation des tâches sont mis au banc d’essai, et le moins que l’on puisse dire c’est que c’est inopérant. Les drones sont partout, mais la police est à la rue. Les voitures autonomes sont des bijoux technologiques… aisément piratables. Les cobayes de l’industrie guerrière échappent à leurs créateurs. De mémoire, pas un film de SF n’a semblé aussi concerné par l’actualité depuis District 9 de Neill Blomkamp (2009).

Upgrade a aussi cette particularité d’intégrer sans s’en cacher des éléments fondamentaux d’incontournables de la SF dans son récit (Robocop, Avatar, Matrix) pour mieux renouveler leurs enjeux. De prime abord on pourrait penser que cela tient presque de la provocation, du copier-coller sans âme. Mais Whannell, contrairement à James Wan, ne paraphrase pas, il recycle. A tel point qu’on oublie vite les modèles pour se fondre dans un univers et des problématiques différentes. Le héros est tétraplégique ? Il ne s’agira pas là de lui prêter le corps d’un autre mais d’en faire, littéralement, un homme augmenté. Les combats s’inspirent directement des balais Matrixiens, mais ils offrent là un autre spectacle, plus violent et mécanique. Le cyborg, s’il est envisagé dans Upgrade, à l’instar de Robocop, comme l’arme ultime, se retrouve ici au coeur de conflits intérieurs ingérables (idée géniale de deux âmes hébergées par un seul corps).

Il y a aussi une très belle fluidité dans le récit de Whannell, qui exploite au maximum tous les paradoxes et quiproquos liés à ce statut de héros à la fois invincible et extrêmement vulnérable, personnification des dilemmes liés à l’essor inextinguible du high-tech. Et au final, mine de rien, Upgrade est autant un vigilante bien rythmé qu’un film cyberpunk malin et cynique. L’industrie de 2018 serait celle de 1999, on tiendrait peut-être là le Matrix du 21è siècle. A voir si les studios sauront profiter de ce petit succès pour développer un concept qui pourrait mener à une nouvelle forme de guerre contre l’intelligence robotique.

François Corda

| 5 octobre 2018 | Australie


 

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