LOVELY GIRLS ARE BLIND
les cendres

Définir un groupe comme faisant partie de la famille du rock progressif, c’est le condamner à ne toucher qu’une petite communauté. Au sortir des années soixante-dix en Angleterre, ce genre a d’ailleurs subit de nombreuses critiques relatives à son caractère parfois élitiste ou prétentieux. Et pour cause : le prog impose généralement une écoute attentive pour en apprécier toutes les subtilités et nécessite donc une démarche de l’auditeur qui peut paraître trop complexe. Il est vrai qu’en rejetant les thématiques jugées trop triviales du rock classique (amour, sexe, excès en tout genre…), les pionniers du style (Yes, King Crimson, Pink Floyd, Genesis, Magma … ) ont fait le choix de repousser l’émotion loin de leur musique en se déplaçant sur un terrain plus cérébral.

Pourtant, un groupe comme Lovely Girls are Blind, s’il est progressif jusqu’au bout des ongles, sort complètement de ce terrain vite limité et, paradoxalement, normatif. En travaillant sur son pouvoir d’évocation plutôt que sur un étalage de sa technique, le groupe dépasse la complexité des structures de ses chansons avec un son pur et limpide. Le groupe explore un monde fait de contrastes et d’ambivalence. Inutile d’avoir suivi un cursus sur les mathématiques appliquées à la musique pour ressentir tout ce qui est contenu dans leurs morceaux. Certains états ne peuvent se décrire par des mots ? Qu’à cela ne tienne, les franciliens font le choix de laisser uniquement leurs instruments s’exprimer, sans aucun recours à la voix, pour mieux exprimer des émotions, toujours nuancées. Une mélancolie douce-amère habite la plupart des compositions, qui se font parfois telluriques, à l’image de ces éruptions crépusculaires qui ouvrent l’album avec « Hummungus »

Il ne faut donc pas chercher à s’attacher aux notes, aux structures, aux circonvolutions vaporeuses… Tout cela s’oublie et le vide fait place aux images évoquées par des riffs accrocheurs et entêtants. Les jolies filles sont ainsi, elles ne voient que l’essentiel, lequel, comme le disait le poète Antoine de St Saint-Exupéry, est invisible pour les yeux.

François Armand

Lovely Girls are Blind / les cendres  (France | 20 juillet 2018)

 

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