BURNING HEADS
interview

RevueC’est sous le doux soleil clissonais que le Bub retrouve les Burning Heads dans l’espace VIP du Hellfest, à l’occasion de leur venue sur le festival. Pierre Mestrinaro (chant, guitare), Mikis Luzeux (guitare) et Jyb (basse) répondent avec gentillesse à nos questions avant leur passage sur la Warzone, scène que le groupe ne manquera d’ailleurs pas de retourner avec bonheur quelques heures plus tard.

François Armand : Aujourd’hui vous jouez à la Warzone, est-ce que le fait de jouer sur cette scène représente quelque chose pour vous ?

Pierre Mestrinaro : Pour moi, c’est la scène punk, c’est l’endroit où il fallait être pour nous. Après il y a des copains qui jouent sur d’autres scènes, on va aller les voir aussi. On est hyper fier d’être là-dessus. Et puis qu’on nous dise : « bon les gars, c’est votre anniversaire, c’est les trente ans, allez-y faites la programmation de la journée ! », « Euh t’es sûr ? », « Oui oui, balancez les groupes et on verra si ça passe ou pas ». Mais putain ! J’ai un peu des frissons et ce n’est pas que le vent.

Mikis Luzeux : Ce sont des cadeaux de Noël !

P.M. : Ouais c’est un peu Noël

M.L. : au mois de juin

Anthony André : En même temps, trente ans de carrière, c’est juste énorme …

M.L. : Ouais c’est sûr aussi. Quand tu es dedans, t’as pas le recul nécessaire pour te rendre compte de ça.

P.M. : C’est pas évident, je veux dire on joue dans des festoches, mais là sur la même scène, toute la journée, c’est que des copains, et ça, ça change.

Jyb. : C’est les groupes avec qui on joue dans les bars …

M.L. : Bad Religion, Rise Against … On joue avec eux dans les bars.

Jyb : …ou dans les salles (rires).

P.M. : On les a tous croisé, jusqu’à Bad Religion.

F.A. : Oui justement, Bad Religion est souvent cité comme étant une de vos références.

Tous : Ah complètement oui.

F.A. : Vous les connaissez ?

P.M. : Ben un petit peu, on les a croisés, on a joué avec eux il y a longtemps. Ils nous ont beaucoup influencé au niveau des textes, et de la musique aussi au départ. Les textes de Bad Religion, c’est imparable. Tu prends des leçons.

M.L. : C’est un peu les précurseurs du punk-rock mélodique …

P.M. :Le label Epitaph, chez qui on a fini par signer … Ca fait partie de notre petite histoire.

F.A : Au Hellfest, il y a énormément de scènes différentes, marquées, qui se côtoient. C’est une sorte de réunion de plusieurs familles. Du coup je rebondis sur ce que tu disais tout à l’heure, y a-t-il des choses qui vous parlent sur les autres scènes ?

P.M. : Alors moi j’ai l’intention d’aller voir un truc qui s’appelle HO99O9 (note : prononcez « horror »), tout le monde m’en parle et apparemment ça envoie la purée. Je veux voir ce truc-là. On était allé en touristes avec ma chérie il y a deux ans, il y avait par exemple Unsane qui jouait à la Valley, les Fu Manchu aussi, et puis voilà, après peu importe le style. Au-delà de ça, ce qui est clair, c’est que le public d’ici est hyper ouvert. C’est du metaleu, on est d’accord, mais il y a punk aussi, du rocker, des vieux … et il y a de tout, et ils sont hyper tolérants. Quand en 2014, on a balancé un reggae dans le set … pour être honnête … Je ne voulais pas le faire, j’avais peur. On l’a fait, et tous les metaleux se sont mis à pogoter et à faire un circle pit sur le reggae. C’est hallucinant, tu vois l’ouverture d’esprit des keums. A l’inverse, quand tu vas dans un festoche où c’est de la variété française. Nous, on est coincé là-dedans, il n’y a pas la même ouverture d’esprit. Je suis bien content d’être ici.

M.L. : En tout cas on compte bien aller voir d’autres groupes sur d’autres scènes, on ne va pas rester que sur la scène punk rock hardcore. Il y a des trucs de stoner aussi. Après les mainstages, je t’avoue qu’il n’y a pas grand chose qui m’intéresse dessus. Peut-être Body Count parce que voilà …

Jyb. : Ce festival est assez éclectique, mais de toute façon, dans les différentes scènes, il y a vraiment des trucs super intéressants à aller voir, et c’est pas forcément des trucs qu’on va écouter, mais c’est intéressant d’aller voir.

M.L. : Il y a sûrement des groupes de black metal, rien que le show. Pas pour le son, mais pour le show, les costards … et prendre l’énergie. C’est vrai qu’il y a quand même des groupes exceptionnels qui passent sur ce festoche.

P.M. : On se nourrit de ça quand même, en tant que musicien, on se nourrit de n’importe quel son et puis ça ne va pas forcément transpirer dans la musique qu’on va faire plus tard. Forcément, s’il y a un groupe électrique, on va regarder. Même quand tu te balades dans un supermarché, qu’il y a un mec qui fait l’animation, tout seul avec sa guitare, je suis obligé de m’arrêter.

F.A. : Le reggae est devenu un élément très important de votre musique. Devant un public de metaleux, cela vous donne-t-il plus envie de le revendiquer ?

P.M. : Oui, en 2014, c’était ça. C’était de se dire : « on est ça aussi, donc ça serait bien qu’on en mette au moins un », histoire d’être honnête avec tout le monde. Je ne voulais pas, je voulais juste qu’on envoie la purée, j’avais peur, mais oui c’est ça aussi. Et attention, pas n’importe quel reggae, pas celui qui est teinté de religion et caetera. Tout ça on en a rien à branler. Ce qui nous inspire, ce sont les groupes anglais qu’on aimait : les Clash, les Ruts et d’autres, qui faisaient du reggae parce qu’ils étaient en Angleterre, dans un milieu où ça berçait justement punk et reggae. Il y avait un message, c’est le même que dans le punk-rock finalement. Juste la musique change, mais le message est le même, et ça nous causait. Bob Marley aussi évidemment, avait quelques messages.

F.A : Quand vous regardez vos trente-et-un ans de carrière, quels sentiments ressentez-vous ? Est-ce de la fierté, de la nostalgie ?

P.M. : Pas de fierté spécialement, mais on est vraiment content d’avoir fait tout ça. On n’a jamais vraiment regardé en arrière, toujours à voir quel sera le prochain concert. Trente ans ça passe comme un claquement de doigts. Ca va hyper vite. Pas de regrets, juste du plaisir à faire ça je crois. C’est une bonne soupe, le concert, c’est une bonne soupe. Quand tu l’as goûtée t’as envie d’y retourner.

A.A. : Il faut quand même un certain investissement pour passer comme ça sur les trente ans sans avoir à revenir en arrière …

M.L. : Ouais et puis bon, je te dis, on essaie de dire des trucs mais c’est pas gratuit.

P.M. : C’est pas forcément hyper engagé, mais il y a toujours cette colère. Tu vois, il suffit simplement d’allumer la téloche et regarder le journal de vingt heures pour voir qu’on pourrait écrire un album en cinq minutes.

A.A. : Il y aurait fort à faire oui …

P.M. : Il y a toutes ces injustices là, mais c’est ce que je disais. Tout à l’heure, on va jouer cinquante-cinq minutes. Je vais fermer ma gueule histoire qu’on fasse une chanson de plus. Vous savez très bien que dans nos têtes, c’est ça quoi.

F.A. : Si vous deviez redémarrer aujourd’hui – mettons que vous soyez au lycée – vous referiez du punk ?

P.M. : Oui bien sûr. Ce n’était déjà pas à la mode quand on a commencé. On s’en branle, on est des sales gosses, on fait ce qu’on veut.

M.L.: Les guitares seraient peut-être accordées un peu plus grave.

P.M. : (rires) Ca crierait peut-être un peu plus.

M.L. : Le ton s’est durci.

P.M. : Ca joue de mieux en mieux, le niveau monte et ça se durcit aussi.

M.L. : Ouais, ça rigole pas. Ca braille, ça joue gras.

A.A. : Et le reggae viendrait quand même aujourd’hui ?

P.M. : Je pense que oui. C’est bien d’arriver à faire passer un message autrement.

A.A. : J’ai l’impression que le metal revient de plus en plus, qu’en effet le niveau monte et que la scène s’enrichit. Par contre on ne peut pas en dire autant du reggae en ce moment. La scène est un peu pauvre.

M.L. : Il y a eu pas mal d’escroqueries, pas mal d’abus. Ca a un peu perdu de son âme le reggae. Après il va y avoir du reggae un peu festif on va dire, gentil quoi. Le message s’est pas mal dilué. Les mecs qui essaient de se la jouer rasta blanc, pour moi c’est assez drôle.

P.M. :Après la scène qu’on a appelé novo dub, dub électro quoi, genre les High Tones à Lyon, en fait c’est des mecs qui écoutaient du punk aussi. Ils avaient une approche différente du reggae, Ils balançaient de l’électronique dedans. Ca, ça nous a attiré aussi.

F.A. : Il y a quinze ans de cela, les festivals généralistes étaient plein de groupes contestataires. Puis on les a vu disparaître de la circulation. Aujourd’hui, cette contestation, je la vois plus réapparaître dans des festivals comme le Hellfest. Est-ce que finalement la grande famille du rock n’a pas repris la place qui était la sienne dans les années 80 ?

P.M. : Ben exactement. Parce que c’est retombé un peu. Parce qu’il y a un peu moins à gagner. Il y a un peu moins de connards qui essaient de gratter tout ça, et donc il reste les mecs sincères. C’est peut-être ça. A un moment ça brillait peut-être un peu trop. C’est pas facile, même nous, on a eu de la chance, parce que peut-être qu’on est arrivés avant certains groupes, comme par exemple Seven Hate. Eux ils ont galéré vraiment. Ils n’ont jamais eu cette petite reconnaissance que nous avons eue un petit peu. Le fait de pouvoir avancer, de se dire qu’on ne tourne pas en rond. Ils se sont essoufflés. C’est dommage, parce que vraiment ça méritait. Et je pensais à Condense, Drive Blind, les Sleeppers, plein de trucs qui sont exceptionnels au niveau Français et qui se sont essoufflés parce que personne n’avait envie de mettre ces groupes-là en avant.

F.A : Vous pensez que cette petite reconnaissance a fait que vous avez duré aussi longtemps avec cette énergie intacte ?

P.M. : Peut-être ouais.

F.A : Il n’y a pas un moment où vous vous êtes dit : « Le camion y en a marre, encore un festoche à l’autre bout de la France, on arrête, on se met dans le canapé et on regarde la télé ? »

P.M. : Non mais des fois après des concerts, on se dit « Bon les mecs, on nous a proposé Monts et Merveilles sur ce concert … En fait le concert était moisi, pas de bouffe végétarienne pour notre bassiste, on s’est un peu fait baiser. Il va falloir qu’on serre un peu la vis et qu’on fasse attention où on va ». A force d’être sympas, on se fait bien mettre. Ca arrive, on se remet en question, c’est normal et ça permet d’avancer.

M.L. : C’est bien aussi d’être un peu à la maison. Mais quand t’y es trop longtemps à la maison, t’as envie de repartir faire des concerts.

P.M. : Oui quoiqu’il arrive.

M.L. : Chassez le naturel, il revient au galop.

F.A. : Vous ne vous imposez aucun rythme …

M.L. : C’est en fonction de ce qu’on nous propose, de ce que nous on a à proposer aussi. Il y a des années qui sont un peu plus chargées que d’autres en actualités pour le groupe. S’il y a un nouvel album ou comme l’année dernière quand on a fait la tournée de Epitaph – on ne faisait que les albums d’Epitaph – la tournée des trente ans où justement on faisait un pot pourri de tous les morceaux pour représenter les trente ans des Burning. Ca fait une vraie actualité, avec beaucoup de dates dans l’année, beaucoup de gens qui sont intéressés. Cette année c’est plus calme parce qu’on n’a plus grand-chose à proposer. Autant faire un peu moins de concerts et être motivés pour le peu qu’il y a à faire.

F.A. : Je ne peux pas m’empêcher de demander. Il n’y a rien en préparation là ?

M.L. : Là pour l’instant non c’est assez calme. Faut qu’on se prenne du temps, et qu’on remette un peu les choses à plat.

F.A : Votre approche de la musique est très directe, vous êtes très accessibles. C’est votre définition de la musique ? Un connexion sans filtre avec le public ?

M.L. : De toute façon, on fait de la musique pour nous déjà, pour ceux qui nous suivent aussi. S’ils aiment tant mieux, mais comme on le dit souvent, ce n’est pas parce que t’es pendant une heure un mètre au-dessus des autres sur une scène que tu dois le rester après le concert. Avant le concert, après le concert, on est comme vous, on chie pareil. Des fois ça nous fait même chier d’être à un mètre cinquante au-dessus des autres quand on joue, on préférerait être par terre. Les grosses scènes comme ici, pour nous c’est trop impersonnel. C’est cool de la faire. C’est génial d’avoir la chance de jouer sur une scène comme ça, mais ce n’est pas ce qui nous correspond le plus.

P.M : Par la force des choses, on est passés aussi un peu de l’autre côté. C’est-à-dire qu’on accueille des groupes, on fait du son, et cetera … Du coup, on voit certains musiciens arriver qui ne se prennent pas pour de la merde. On n’a pas envie d’être comme ça, nous quand on est en concert.

 

 

François Armand

 

 

bub

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