ANNIHILATION
Alex Garland

Après le très réussi Ex Machina et son exploration de l’intelligence artificielle, Alex Garland s’attaque à une autre recomposition de l’espèce humaine, biologique cette fois-ci. Un miroitement étrange entoure une zone qui ne cesse de s’étendre et dont aucun explorateur ne revient jamais. Lorsqu’une nouvelle équipe de scientifiques (exclusivement féminine) y pénètre, c’est un véritable voyage au cœur de la psyché qui débute pour chacune des membres de l’expédition. Au sein d’une nature mutante, toute puissante, à la fois féerique et terrible, les souvenirs, les fantasmes ou la culpabilité sont questionnés. L’annihilation en question touche l’humanité, prête à la transformer, à la supplanter en la copiant et en la faisant muter. Cette histoire de confrontation à sa propre destruction interroge Lena sur ce qui fait l’humain, derrière le personnage froid et dur joué par Nathalie Portman.

Suite aux retours des premières projections test, les studios ont demandé à ce que la fin soit modifiée, la jugeant trop cérébrale. Préférant sacrifier une sortie au cinéma plutôt que de modifier la fin de son long-métrage, réservant ainsi l’œuvre à la plateforme Netflix, le réalisateur britannique démontre son intransigeance et son respect face au spectateur, refusant de lui fournir des réponses toutes faites. Mais une certaine arrogance pointe chez Alex Garland  lorsqu’il s’appesantit sur un mystère faussement gonflé par une posture hermétique finalement décevante. En s’intéressant davantage à ses décors qu’à ses personnages, aux étranges portes ouvertes plutôt qu’à l’expérience vécue par les protagonistes, le réalisateur destine son film aux fans du genre sans pour autant tenir ses promesses. Axant sa réflexion autour de la division cellulaire, le film aborde un thème essentiel : la vie, au sens biologique du terme, son origine et son expansion. Malheureusement, le film juge durement ses protagonistes et leur façon d’affronter, ou non, leurs anciennes blessures quand elles pénètrent dans la zone impactée par le phénomène, et la raison de ce procès, quasiment sans appel, reste obscure. En effet, en quoi les altérations de la nature sont-elles liées à la culpabilité de Lena et ses camarades ? Nulle piste n’apparaît clairement à ce propos. Ce nouveau Monde semble suivre un but ou une nécessité, mettant à nu implacablement toutes les parts d’ombre des humains qui s’aventurent au-delà du miroitement, mais réagit de manière naïve quand on l’attaque. La réalisation glaciale tendrait à porter une réflexion philosophique sur la nécessité d’affronter nos blessures, mais celle-ci sonne creux.

Car, au-delà des démons portés par chacune des femmes participant à l’expédition, les portraits sont trop vite brossés pour susciter l’empathie. Le film parle d’autodestruction mais le spectateur devient davantage fasciné par cette végétation luxuriante et difforme qu’il n’est concerné par le destin des héroïnes. Annihilation apporte avec lui des idées novatrices : une nature mutante, la réappropriation d’un territoire, un féminisme enfin subtil, mais Alex Garland reste trop en surface de ses thématiques pour émouvoir, trop clinique pour libérer toute la poésie potentielle d’un tel univers. Peut-être que le film aurait gagné à prendre le temps de s’attarder sur les obsessions ou les peurs de chacune des protagonistes, autrement que par des dialogues informatifs assez plats. Annihilation semble vouloir nous dire que les humains ne sont au centre d’aucune équation universelle, la nature sachant parfaitement se passer d’eux, et prend ainsi le parti de les faire disparaître de son cinéma. Mais c’est bien nous, le spectateur, qu’il exclue par la même occasion.

François Armand

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Annihilation de Alex Garland (Etats-Unis ; 1h55)

Date de sortie : 12 mars 2018

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