NO ONE IS INNOCENT
frankenstein

L’ambiance est surchauffée, l’arène pleine à craquer. Les adversaires arrivent sur le ring. Dans le coin bleu, le monstre, Frankenstein, somme de toutes nos peurs, enfile son protège-dent. En face, dans le coin rouge, le quintet No One Is Innocent. Pour raconter le match en onze reprises, le groupe français a fait appel aux meilleurs juges possibles : des anciens trouble-fêtes, à savoir le heavy metal, le punk et surtout leur papa : le rock’n’roll !

Place au sport ! Les uppercuts pleuvent sous les invectives du public. Le message est clair : du rock, du vrai, du comme on n’en voit plus tant que ça dans l’Hexagone. Le public retrouve son champion virevoltant, qui assène un crochet du gauche au monstre qui arbore d’abord le visage de la finance, puis enchaîne par un direct au foie alors que les traits du religieux se substituent à ceux du banquier. En dénonçant les dogmes autour du marché roi, Kemar réaffirme mine de rien une vieille rengaine : ni Dieu, ni maître ! Frankenstein, c’est un peu ça, l’addition de tous nos Dieux et de tous maîtres : « leur Paradis, notre Enfer » et la crainte terrible de voir une pure création de notre société devenir incontrôlable et se retourner contre nous. Les rounds se suivent, sans cesse en cassures de rythme, toujours débordants d’énergie et de sueur. Jusqu’au KO final, le morceau « Paranoid », reprise des légendaires Black Sabbath, affirmation d’un ADN avec lequel on ne peut transiger.

Qu’importe la futilité d’un tel combat (jamais une chanson, aussi engagée soit-elle, n’a changé le monde, No One en a conscience), la nécessité est ailleurs : dans la catharsis et le plaisir de sentir, l’espace d’un disque ou d’un concert, qu’il existe une pensée contestatrice qui peut être partagée en masse. Reste la morgue, les riffs magiques, les déchaînements électriques, une volonté d’en découdre, une voix tantôt hurlée tantôt parlée qui tremble de colère, les lignes de basse si caractéristiques d’un son qui, non seulement passe allègrement le quart de siècle, mais reprend surtout fièrement une place laissée vacante depuis quelques années.

François Armand

No one is innocent / frankenstein  (France | 30 mars 2018)

 

 

 

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