SEVEN SISTERS
Tommy Wirkola

EnterrePour prendre conscience de la traversée du désert que subit le cinéma de science-fiction depuis quinze ans il suffit de se référer au succès public de Seven Sisters. On assiste là ni plus ni moins à l’acceptation par les spectateurs du renoncement d’un genre cinématographique à deux de ses plus grands enjeux : parole politique et représentation audacieuse du futur.

Etat des lieux : malgré les capacités qu’offrent aujourd’hui les effets spéciaux numériques, le cinéma de SF peine à renouveler son imaginaire (peu ou pas de voyages dans l’espace si l’on excepte le raz de marée Star Wars), son bestiaire (cf. les reboots d’Alien, La Planète des singes), et pire encore, les nécessaires discordances avec son présent, en formes de dénonciation des dérives actuelles ou à venir.

La pensée de Tommy Wirkola semble se borner à celle de son pitch : la surpopulation mène à la politique de l’enfant unique dans un carcan (très) autoritaire. Un pitch qu’il n’a pas eu besoin d’aller chercher très loin, puisqu’il correspond, peu ou prou, à la situation qu’a connu la Chine pendant près de quarante ans. L’ironie veut que la Chine ait précisément abrogé cette loi en 2015, ce qui rend, par essence, le sujet de Wirkola has been avant même sa sortie sur les écrans. Las, le réalisateur Norvégien semble n’en avoir cure, et derrière la façade SF en carton, il nous sort le thriller/actioner réchauffé sans aucun autre horizon que la littéralité absolue.

Littéralité de la narration d’abord : sept jumelles naissent, il faut choisir les prénoms ; pas de problème, ils porteront chacun le nom d’un jour de la semaine (sic). Les sœurs en question se devant d’être toutes différentes de caractère, elles sont chacune affublée d’un code vestimentaire et psychologique (l’intello, la timide, la sportive, la vamp…). Re-sic. Sept personnages à assimiler en deux heures, aussi basiques soient-ils, c’est évidemment source de confusion, et, progressivement, de désintérêt… et de sourires parfois, devant tant de naïveté. La trame, ensuite. Seven Sisters est le titre français pour What Happened to Monday ? et « l’intrigue » repose précisément sur l’élucidation de cette disparition du personnage de Monday. Sans surprise, les sœurs disparaissent les unes après les autres sans que l’on ne s’en émeuve outre mesure. Car comment vibrer pour des personnages qui ne sont rien d’autre que des incarnations de stéréotypes ? Peu importe que les péripéties soient laborieusement filmées (scènes d’action épileptiques, mille fois vues), les situations, téléphonées (la progression de l’enquête, ultra prévisible, et son dénouement, lourdement explicatif), seul semble compter le twist final, sorte d’accomplissement nécessaire pour le spectateur (et surtout le scénariste) pour justifier le sens d’une histoire qui n’en a finalement aucun.

Bien sûr, Wirkola place ça et là des repères pour justifier son cadre SF : les écrans tactiles 3D, voitures façon Batmobiles, une touche de cyberpunk (tout est gris et il pleut, serait-on dans la matrice ?), la cryogénisation des enfants surnuméraires (coucou Minory Report). Mais jamais il ne va au-delà de ce maquillage sommaire. Le manichéisme (la police pas sympa à la solde d’une ministre psychorigide) et la société totalitaire factice que Seven Sisters nous vend sont pathétiques : très peu de plans extérieurs, pas de scènes du quotidien pour illustrer la mainmise du pouvoir sur la population et par conséquent aucune prise sur un monde qui nous échappe complètement.

Dans ces conditions, les sous-textes politiques et sociétaux ne pouvaient être qu’inexistants. D’ailleurs, les sept sœurs ne se battent pas contre ce système répressif qui rend pourtant leur promiscuité insupportable après trente ans de vie commune. Non, elles vivent terrées et souhaitent le rester. Elles se défendent parce qu’on pénètre sur leur territoire de force. Il faut dire que leur père d’adoption, symboliquement, a consacré toute son énergie à leur apprendre à se cacher et à nier leur personnalité en public (les sept sœurs étant censées être une seule et même personne).

Seven Sisters est un aveu d’échec (une incapacité à peine masquée à renouveler un genre moribond) et de prosternation face à des modèles datant parfois des années soixante (Soleil Vert, notamment). Rien chez Wirkola ne laisse supposer qu’il ait une vision (plastique, critique), un projet autre que celui de satisfaire un public peu exigeant : comme si rien ne s’était passé depuis les préoccupations écolo d’Avatar, l’avènement du virtuel avec Matrix. Wirkola n’a rien à dire sur son époque, et tel ses personnages, laisse passer les trains, laissant à d’autres le soins de chambouler l’échiquier. Comme si ce réalisateur de SF là, et tant d’autres (à l’exception peut-être des Wachowski, Christopher Nolan, Neill Blomkamp, et en attendant Ready Player One, le prochain Spielberg, inactif dans le genre depuis La Guerre des mondes) ne se préoccupaient pas de l’avenir de l’humanité, semblaient ne plus vouloir (pouvoir ?) rêver d’étoiles, de planètes et d’extraterrestres. Triste SF, grisâtre et victime d’une asepsie rampante.

François Cordaub

 

———

| 30 Août 2017 | France ; Belgique ; Etats-Unis ; Royaume-Uni

 

bub

 

Commencez à écrire et validez pour lancer la recherche.